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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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Dieu, reviens, je te prie ! » Mais il ne reçut aucune réponse. Et, à force de se demander en quel genre de<br />

manoir il se pouvait trouver, il commençait à s’en effrayer et ne savait que penser ni que faire. Désireux<br />

néanmoins d’en savoir davantage et, surtout, de manger, car la faim le torturait, il partit à la recherche de<br />

la jeune fille à travers le château. Il n’y eut ainsi chambre qu’il ne visitât, ni garde-robe, ni cellier, ni<br />

loge, ni salle, ni cuisine, mais tout était désert, et il ne vit nulle créature. En repassant par la grande salle,<br />

il ne songeait plus qu’à rejoindre son cheval quand une idée lui traversa l’esprit. Il s’arrêta devant la<br />

table, reprit le marteau et en frappa trois coups aussi forts que les précédents. La salle et le château tout<br />

entier frémirent, et une autre jeune fille apparut alors, mais non pas dans la salle ; elle se trouvait dehors<br />

et passa la tête par la fenêtre : « Seigneur, dit-elle, tu agis vraiment comme un rustre ! Tu nous causes un<br />

bien grand mal et finiras par nous tuer ! Je te préviens : si tu frappes encore une fois sur cette table, tu<br />

verras la tour s’écrouler et nous tous, toi compris, y perdrons la vie. Rien ne pourra nous sauver.<br />

— Par le Dieu qui nous a créés ! s’écria <strong>Perceval</strong>, je puis te jurer que je ne voulais causer aucun mal.<br />

Mais si personne ne répond à mes appels, je t’assure que je n’hésiterai pas à frapper derechef, dussent la<br />

tour et le château s’effondrer. Je frapperai deux cents coups, voire davantage, s’il le faut ! » Et, pour<br />

prouver sa détermination, il souleva le marteau. Et il s’apprêtait à l’abattre quand la jeune fille<br />

s’exclama : « Non, seigneur ! ne frappe plus cette table ! Laisse-moi te parler. Et si tu souhaites t’en aller,<br />

je te ferai ouvrir la porte. Crois-le, je ne cherche pas à te mentir.<br />

— Par ma foi, jeune fille ! cria <strong>Perceval</strong>, toujours aussi mécontent, je ne sortirai d’ici que je ne me<br />

sois restauré et que je n’aie dormi. Voilà trois jours que je n’ai rencontré âme qui vive ou habitation pour<br />

me recevoir. La nuit approche, et j’aime mieux la passer ici que dans la forêt ! » À l’entendre parler de<br />

manière aussi ferme, à le voir, marteau en main, prêt à frapper la table au risque de déclencher un<br />

cataclysme et ce, sans en éprouver le moindre émoi, mais plus rouge que charbon ardent, tant la fureur<br />

l’animait, ainsi que la lassitude, la jeune fille ne put s’empêcher de sourire. « Seigneur, dit-elle, daigne<br />

patienter le temps que j’aille parler à ma dame. Je reviendrai bientôt et t’apporterai des nouvelles,<br />

bonnes ou mauvaises. – Va donc et ne me fais pas languir trop longtemps. Car si tu tardais, je ne le<br />

supporterais pas et me verrais obligé de t’appeler avec le marteau. – J’y vais, répondit la jeune fille,<br />

mais, au nom de Dieu tout-puissant, ne touche plus à la table ! »<br />

Elle quitta donc la fenêtre et <strong>Perceval</strong> l’entendit jeter un appel. Alors trois autres jeunes filles très<br />

richement parées entrèrent et s’approchèrent du <strong>Gallois</strong> qui, debout près de la table, tenait toujours le<br />

marteau prêt à frapper violemment. Toutes les trois le saluèrent avec une grande amabilité. L’une d’elles<br />

s’en alla prendre le cheval par la bride et, non sans promettre de lui donner foin frais et avoine<br />

fraîchement battue, le mena vers l’écurie. Quant aux deux autres, elles désarmèrent <strong>Perceval</strong> et<br />

l’entraînèrent dans une autre salle entièrement tapissée de tentures de soie violettes, vermeilles, jaunes et<br />

bleues, et telle que l’on n’eût pas trouvé plus splendide en la demeure d’un empereur. En long et en large,<br />

elle reluisait de draps tissés de fils d’or qui devaient, au bas mot, valoir une fortune, et <strong>Perceval</strong><br />

s’émerveillait de voir toutes choses infiniment plus belles que rien de ce qu’il avait jusqu’alors admiré.<br />

De la porte d’une chambre surgit sur ces entrefaites une autre jeune fille, encore plus gracieuse et<br />

plaisante que les précédentes. Dotée d’une abondante chevelure blonde, elle portait sur les bras un très<br />

riche manteau fourré de blanche hermine dont elle enveloppa les épaules du <strong>Gallois</strong> en disant :<br />

« Seigneur, tu peux venir en cette chambre voir ma dame, à moins que tu ne préfères demeurer en cette<br />

salle-ci où tu auras tout ce que tu voudras. » <strong>Perceval</strong> répondit qu’il irait voir la dame du château.<br />

« Certes, dit-elle, tu fais bien, car elle désire fort te rencontrer. » Et elle le mena dans une chambre qui<br />

était peinte d’or émaillé et pavée de plaques d’argent. <strong>Perceval</strong> n’en croyait pas ses yeux : il aperçut en<br />

effet au moins cent jeunes filles, toutes avenantes et gracieuses, richement habillées et toutes revêtues de<br />

velours vert bordé de fils d’or. Elles semblaient toutes du même âge et avaient ôté de leur tête le bandeau<br />

qui retenait leurs cheveux. <strong>Le</strong>s unes étaient brunes, les autres blondes ; d’autres arboraient une chevelure

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