Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois
Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois
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11<br />
La Fille de Merlin<br />
De chemin en chemin, <strong>Perceval</strong> se retrouva bientôt sur une voie plus large qui s’écartait de la rivière.<br />
La mule allait, de son trot allègre, sans que le <strong>Gallois</strong> fît quoi que ce fût pour la diriger. Soudain, il<br />
aperçut, au pied d’un arbre, une grande croix dressée et une tombe de marbre. Il fit halte, regarda la croix<br />
et la tombe, puis il descendit de la mule, s’approcha, et il s’inclinait quand il entendit une voix qui<br />
surgissait de sous la dalle : « Seigneur, pour l’amour de Dieu, ne sortirai-je jamais d’ici ? »<br />
Stupéfait, <strong>Perceval</strong> demanda : « Ami, qui es-tu, toi qui demandes de l’aide ? et pourquoi gis-tu sous<br />
cette pierre ? – Seigneur, je suis un chevalier captif, le plus malheureux de tous les hommes ! – Ami,<br />
reprit <strong>Perceval</strong>, de plus en plus étonné, dis-moi comment m’y prendre pour t’aider et pour soulever cette<br />
pierre afin de te tirer de là. – Seigneur, puisque tu veux m’aider, il te suffira de couper une branche du<br />
grand arbre qui nous surplombe, d’en faire un levier et de soulever la dalle de marbre. Voilà la seule<br />
façon de me secourir. »<br />
<strong>Perceval</strong> se hâta de s’exécuter. Il coupa une branche de l’arbre, qui était un chêne puissant, et il<br />
souleva la lourde dalle de marbre, la maintenant d’une main ferme le temps que le chevalier mit pour<br />
sortir. Très beau de visage et de corps, celui-ci ne paraissait pas avoir trop souffert de son<br />
emprisonnement. « Ami, dit <strong>Perceval</strong> ; il faudrait maintenant que tu m’aides à replacer cette dalle<br />
exactement où elle était, de sorte que personne ne puisse tomber dans la fosse. – C’est juste », dit le<br />
chevalier, saisissant la branche qui servait de levier pendant que <strong>Perceval</strong> ajustait la dalle. Mais, ce<br />
faisant, l’homme bouscula si fort et si bien <strong>Perceval</strong> qu’il le précipita dans la tombe. Puis il laissa<br />
retomber la dalle de telle sorte que, tout alentour, la terre trembla sous le poids de la lourde pierre. Et le<br />
chevalier s’écria : « Seigneur, il te convient maintenant de garder ce lieu comme je l’ai fait si longtemps.<br />
C’est la règle, et je l’avais subie moi-même : après que j’eus, comme toi, aidé un chevalier à sortir,<br />
celui-ci m’y poussa. Je souhaite ardemment que quelqu’un d’autre vienne te tirer de là, sans quoi tu<br />
mourras, m’est avis ! »<br />
<strong>Le</strong> chevalier se dirigea vers la mule et, sans plus tarder, l’enfourcha, car il avait grande envie de s’en<br />
aller. Mais la mule demeura aussi immobile que si elle eût été rivée au sol. Et il eut beau la frapper, elle<br />
ne broncha pas et ne bougea pas de sa place. En voyant cela, le chevalier fut saisi de colère et de dépit,<br />
car il ne savait que dire ni que faire. Puis il se décida, descendit de la mule et s’approcha du cheval. Il<br />
débarrassa la selle de la tête du cerf qui s’y trouvait toujours attachée et enfourcha le destrier sans même<br />
s’occuper du bouclier, de la lance, du trophée ni du brachet : il n’avait qu’une idée en tête, partir au plus<br />
vite. Mais le cheval ne bougea pas plus que la mule, et le chevalier eut beau s’acharner contre lui, il eut<br />
beau l’éperonner, le battre, il ne parvint à le faire avancer d’un pouce ni par force ni par pouvoir. « Voilà<br />
une belle diablerie ! s’écria-t-il. Par saint Pierre, il faut que ce cheval et cette mule soient ensorcelés<br />
pour refuser ainsi de bouger ! Je le vois trop, ce n’est pas encore cette fois-ci que je pourrai m’en<br />
aller ! »<br />
Plein d’amertume, il revint vers la tombe, reprit la branche qui servait de levier et souleva la dalle,<br />
comme <strong>Perceval</strong> avait fait plus tôt. « Seigneur, dit-il, sors de là rapidement. Ce serait dérision si je te<br />
causais du tort, et je sais maintenant que mon destin n’est pas de m’en aller. » <strong>Perceval</strong> se hissa hors de la<br />
tombe. « Seigneur, reprit le chevalier, il n’y a aucun doute sur ce point : tu es celui qu’on attendait, le<br />
plus digne d’accomplir la prouesse. Je sais qui tu es. Mais tu ne trouveras ce que tu cherches que si tu te<br />
rends d’abord auprès de la Colonne de Cuivre qui se trouve sur une montagne, non loin d’ici. » Et sur ce,