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Nuisances sonores aéroportuaires - Centre d'information et de ...

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La concertation sur le bruit<br />

Jean-Marc Abramowitch (Sc<strong>et</strong>auroute)<br />

En tant qu’acousticien responsable <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s acoustiques<br />

au sein <strong>de</strong> Sc<strong>et</strong>auroute, l’un <strong>de</strong>s rôles qui me sont impartis,<br />

c’est <strong>de</strong> communiquer sur les proj<strong>et</strong>s dont la maîtrise<br />

d’œuvre nous est confiée, dans le domaine particulier qui<br />

est le mien, à savoir les infrastructures <strong>de</strong> transports<br />

linéaires. Il m’a été <strong>de</strong>mandé, dans le cadre <strong>de</strong> c<strong>et</strong> atelier,<br />

<strong>de</strong> livrer en quelque sorte un bilan, <strong>de</strong> tirer une morale, <strong>de</strong><br />

vingt années <strong>de</strong> concertation avec le public.<br />

Le bruit n’est pas le seul enjeu.<br />

Dans l'Ouest <strong>de</strong> la France, Sc<strong>et</strong>auroute a du reprendre la<br />

communication avec les riverains d'un proj<strong>et</strong> autoroutier qui<br />

avait déjà connu un premier maître d'œuvre <strong>et</strong> une première<br />

concertation. Celle-ci s'était mal passée, le concessionnaire<br />

a changé, le maître d'œuvre également. Nous nous sommes<br />

donc lancés dans une nouvelle concertation. Concertation<br />

est un bien grand mot, mais la plupart du temps, nous nous<br />

bornons à faire <strong>de</strong> l’information. Car, pour se concerter, il<br />

faut être <strong>de</strong>ux. Si les riverains cherchent à être <strong>de</strong>ux autour<br />

<strong>de</strong> la table, c’est parce qu’ils ne se satisfont pas <strong>de</strong>s<br />

conditions d’information, qu’ils essaient d’aller plus loin. Et<br />

c’est là qu’il arrive que le processus bloque. Un autre<br />

problème auquel nous, acousticiens, sommes confrontés,<br />

c’est le peu <strong>de</strong> <strong>de</strong>grés <strong>de</strong> liberté dont nous disposons sur la<br />

manière <strong>de</strong> négocier avec les riverains sur le thème du bruit.<br />

Notre outil <strong>de</strong> base pour la concertation consiste en une vue<br />

en plan <strong>et</strong> un profil en long <strong>de</strong> l’infrastructure. Dans<br />

l’exemple que j'utilise pour illustrer mon propos, la présence<br />

d’un unique ouvrage hydraulique suffit à régir l’ensemble <strong>de</strong><br />

la géométrie du profil, pentes <strong>et</strong> courbures, <strong>de</strong> ce tronçon.<br />

Pourquoi ? Parce que, entre autres contraintes, la loi sur<br />

l’eau impose que l’infrastructure routière soit totalement<br />

transparente vis-à-vis du passage <strong>de</strong> l’eau. En d’autres<br />

termes, l’eau doit passer dans les terrains comme si<br />

l’infrastructure n’existait pas. Or, si l’on ne peut jouer sur<br />

le profil, alors que, chaque fois que possible, nous<br />

préconisons d’abaisser légèrement les profils en long, <strong>de</strong><br />

travailler sur les pentes <strong>et</strong> <strong>de</strong> jouer sur les eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> sol<br />

plutôt que d’introduire <strong>de</strong>s ouvrages constituant une<br />

intrusion visuelle forte, nous perdons là un pan important <strong>de</strong><br />

notre champ d’action. La seule marge <strong>de</strong> négociation<br />

restante va porter sur le choix d’une protection transparente<br />

ou opaque. Car si l’on replace le débat sur l’intrusion<br />

visuelle, sur le thème du paysage, on r<strong>et</strong>ombe sur les<br />

systèmes <strong>de</strong> buttes, <strong>de</strong> vallonnement, <strong>de</strong> profils en travers<br />

<strong>et</strong> nous tournons en rond. Une séance <strong>de</strong> concertation pour<br />

un proj<strong>et</strong> routier ne réunit pas que <strong>de</strong>s acousticiens, mais<br />

<strong>de</strong>s experts en faune, en pisciculture, en hydraulique <strong>et</strong><br />

d’autres spécialités encore. Notre proj<strong>et</strong> autoroutier a été<br />

bloqué pendant une année entière à cause d’une espèce<br />

protégée <strong>de</strong> scarabée, le pique-prune. Au cours d’une<br />

réunion <strong>de</strong> concertation avec l’ancien concessionnaire, une<br />

association <strong>de</strong> défense a réussi à démontrer que le<br />

morcellement du territoire lié au tracé autoroutier serait<br />

préjudiciable à l’habitat du pique-prune, non sur la preuve<br />

<strong>de</strong> sa présence, mais sur la possibilité que le pique-prune<br />

soit présent. C<strong>et</strong> exemple illustre bien la complexité <strong>de</strong><br />

l’aménagement d’une infrastructure <strong>et</strong> le peu <strong>de</strong> moyens<br />

dont nous disposons pour répondre aux attentes du public.<br />

Une concertation à sens unique, qui se limite le plus<br />

souvent à <strong>de</strong> l’information<br />

La principale difficulté que nous rencontrons dans notre<br />

pratique <strong>de</strong> la concertation, c’est dans le traitement <strong>de</strong>s<br />

objections à l’information que nous produisons, <strong>de</strong>s<br />

réactions face à nos tableaux <strong>de</strong> bord. Récemment, avec un<br />

maître d’ouvrage, au cours d’une séance <strong>de</strong> concertation,<br />

nous avons présenté, un proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> résorption <strong>de</strong> points noirs<br />

du bruit. Deux heures durant, un maire, un député-maire <strong>et</strong><br />

un sénateur-maire représentant les trois communes<br />

concernées nous ont menacés, invectivés, au motif que le<br />

proj<strong>et</strong> était trop lent, trop p<strong>et</strong>it, <strong>et</strong>c. Lors du débriefing qui<br />

a suivi, nous étions plutôt satisfaits, compte tenu du fait que<br />

nous avions, finalement, évité le pire. Je cite c<strong>et</strong> exemple<br />

pour illustrer le fait que nous faisons plus <strong>de</strong> l’information<br />

que <strong>de</strong> la concertation, ou alors <strong>de</strong> la concertation à sens<br />

unique. La qualité <strong>de</strong> l’information produite en réaction aux<br />

objections importe relativement peu. Ce qui compte dans le<br />

processus d’information, c’est le fond <strong>et</strong> la forme <strong>de</strong> notre<br />

propos, la véracité <strong>et</strong> la crédibilité <strong>de</strong> notre discours ; en<br />

revanche, par la force <strong>de</strong>s choses, nous sommes<br />

malheureusement amenés à moins prendre en compte les<br />

objections <strong>et</strong> à ne pas jouer le jeu <strong>de</strong> la concertation.<br />

Vulgariser <strong>et</strong> dépassionner le débat<br />

Malgré tout, passé ce constat défaitiste, il y a quand même<br />

quelques points encourageants. Sur le plan <strong>de</strong> la<br />

vulgarisation <strong>de</strong>s connaissances, les acousticiens savent<br />

maintenant parler du bruit sans mentionner les décibels. A<br />

noter néanmoins que la simplification n’est pas compatible<br />

avec tous les contextes. Pour le proj<strong>et</strong> précé<strong>de</strong>nt, pour 128<br />

km <strong>de</strong> linéaire, 46 réunions <strong>de</strong> concertations, réparties sur<br />

six mois, ne réunissant jamais plus <strong>de</strong> 20 personnes, ont été<br />

nécessaires. Nous choisissons nos interlocuteurs, les<br />

rencontrons sur <strong>de</strong>s lieux les plus proches <strong>de</strong> leur habitation,<br />

dans les fermes, dans les annexes <strong>de</strong> mairies, <strong>et</strong> nous<br />

multiplions les contacts, nous efforçons <strong>de</strong> les personnaliser.<br />

A tel point qu’il arrive que nous tissions <strong>de</strong>s liens qui<br />

confinent à l’amitié avec les représentants <strong>de</strong>s associations.<br />

Une certaine connivence finit par se forger à force <strong>de</strong><br />

séances <strong>de</strong> concertation, ce qui optimise la communication,<br />

fait baisser le niveau d’agressivité <strong>de</strong>s riverains. Il est en<br />

eff<strong>et</strong> primordial <strong>de</strong> tenter <strong>de</strong> désamorcer les frustrations,<br />

facteur d’agressivité. Un exemple : la coordination Drôme-<br />

Vaucluse d’associations <strong>de</strong> riverains du TGV Méditerranée,<br />

sachant que le programme servant au calcul <strong>de</strong>s niveaux <strong>de</strong><br />

bruit équivalents avait été conçu par le CSTB, avait donné<br />

une définition édifiante du L Aeq : « Vous prenez un ingénieur<br />

du CSTB, vous le m<strong>et</strong>tez dans un fauteuil, vous lui donnez<br />

un immense coup <strong>de</strong> poing. N’ayez crainte, c’est<br />

exactement comme si vous lui aviez caressé la figure durant<br />

toute une journée ».<br />

La concertation sur les cartes stratégiques, il est vrai, ne<br />

<strong>de</strong>vrait pas susciter <strong>de</strong> tels problèmes d’agressivité chez les<br />

populations concernées.<br />

De l’utilité <strong>de</strong>s prises <strong>de</strong> vue aériennes, <strong>de</strong>s vues 3D<br />

Il faut, à mon sens, encourager l’utilisation <strong>de</strong> moyens <strong>de</strong><br />

représentation graphique perm<strong>et</strong>tant au riverain <strong>de</strong> repérer<br />

à coup sûr son habitation, tels que les photos aériennes. Et<br />

ce même sur un linéaire <strong>de</strong> 128 kilomètres. Certes, nous<br />

disposons <strong>de</strong>s planches <strong>de</strong> type Mithra perm<strong>et</strong>tant <strong>de</strong><br />

comparer les niveaux <strong>de</strong> bruit “avant-après”. Mais nous nous<br />

efforçons d’y recourir le moins possible, car nous nous<br />

heurtons alors à la difficulté <strong>de</strong> faire adm<strong>et</strong>tre le progrès<br />

réel d’un gain <strong>de</strong> 2 décibels après protection. On sait en<br />

eff<strong>et</strong> que c’est à partir d’un écart <strong>de</strong> 2 dB que les individus<br />

commencent à exprimer <strong>de</strong> la satisfaction. C’est pourquoi,<br />

plutôt que <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> décibels, il peut s’avérer judicieux<br />

d’exprimer les résultats en nombre <strong>de</strong> fenêtres qui restent<br />

exposées à <strong>de</strong>s niveaux trop importants.<br />

Actes <strong>de</strong>s 4 es Assises <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> l’environnement sonore — Avignon — 18, 19 <strong>et</strong> 20 janvier 2005 PAGE 123

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