Nuisances sonores aéroportuaires - Centre d'information et de ...

Nicolas Grénetier : Ces maladies n’étant pas spécifiques de
l’exposition au bruit, le médecin n’a pas forcément le
réflexe de poser la question à ses patients s’ils sont soumis à
un environnement sonore bruyant.
Guillaume Faburel : La remarque de Mme Salomé renvoie à
deux choses : c’est une chose que d’enquêter, au sens
scientifique du terme, sur la gêne ressentie, c’en est une
autre que d’intégrer le ressenti dans l’élaboration des
décisions. Les commissions consultatives de l’environnement
sont des dispositifs institutionnels nécessaires, qui visent, en
théorie, à prendre en compte l’avis des populations, mais ils
ne me paraissent pas, en l’état, aptes à faire figurer la
question du ressenti de la gêne au premier plan des débats.
Deuxième remarque : s’agissant des centaines de milliers de
personnes enquêtées, évoquées par Mme Vernet, force est
d’admettre, que la France est en retard sur la question.
Contrairement à d’autres pays, tous les aéroports français
n’ont pas fait l’objet d’enquêtes de gêne. J’irai même plus
loin : Orly et Roissy représentent 70% des enquêtes de gêne
qui ont été menées. Ce constat effectué, il serait erroné de
conclure que, dans le concert des nations sur ce sujet, la
France fait figure de bon élève. En France, les enquêtes ne
constituent pas un moyen de portage institutionnel qui aide
les pouvoirs publics à prendre des décisions.
Aéroport de Liège, aéroport de Charleroi : une approche globale garante
d'une intégration harmonieuse des aéroports
Jean-Pierre Clairbois (A-Tech SA)
Lorsque le CIDB m’a demandé de présenter un article sur le
vécu des aéroports en Belgique, il était question de
présenter l’aéroport de Bruxelles. Il existe en Belgique des
aéroports pour lesquels la prise en compte de
l’environnement a été plutôt une réussite, pour lesquels il a
été possible d’atteindre une situation compatible avec la
gestion de l’aéroport et de son avenir. Je préfère donc
parler de deux exemples positifs, à savoir les aéroports de
Liège et de Charleroi (Bruxelles sud).
En Belgique, suivant les aéroports, les stratégies adoptées
diffèrent. L’aéroport de Liège, situé à Bierset, se trouve en
à 90 km de Bruxelles. Pour la protection de
l’environnement, on y a choisi de concentrer les trajectoires
et de compléter cela par des actions au sol. À Bruxelles-Sud-
Charleroi, aéroport situé à 40 km au sud de Bruxelles, on a
également opté pour une concentration des trajectoires et
des actions au sol. À l’aéroport de Bruxelles national, qui est
situé à Zaventem, à 14 km de Bruxelles, on a, en revanche,
choisi la dispersion des trajectoires et fait actuellement
l’impasse sur les actions au sol.
Le cas de Liège-Bierset
L’aéroport de Liège est à l’origine un aéroport militaire, qui
n’est ouvert au trafic civil que depuis 1976. En 1997, avec le
développement du fret nocturne, un nouveau type de
nuisance sonore a fait son apparition : une dizaine de
mouvements nocturnes tout d’abord, une quarantaine
aujourd’hui. Il s’agit du hub de la société de fret TNT, un
très gros hub au niveau international.
Quelle stratégie environnementale a été mise en place ?
Tout d’abord, un état des lieux a été réalisé. Ensuite, un
choix stratégique très important a été arrêté : concentrer
les routes, les optimiser, et agir au sol. L’optimisation des
routes, s’appuyant sur des cartes des habitations et sur le
recensement des populations, avait pour objectif de réduire
le nombre d’habitations gênées. Différents scénarios de
survol ont été établis en tenant compte, bien sûr, des
contraintes de sécurité, de certains aspects pratiques et
économiques. Ont également été comparées différentes
procédures à moindre bruit, toujours sous l’angle du nombre
d’habitations gênées. Ce processus a demandé une
collaboration étroite de toutes les administrations, des
pilotes et des acousticiens. Pour réaliser ces plans, en 1997,
l’indice L dn a été choisi, pour adopter ensuite le L den , en
2004, afin de se conformer à la directive européenne.
L’optimisation concertée des routes a abouti à une décision
politique. Qui plus est, le PEB (plan d’exposition au bruit à
l’horizon 2013), et le plan de développement à long terme
(PDLT, à l’horizon 2020), ont été arrêtés. Le PEB, qui est
inclus dans le PDLT, est réévalué tous les 3 ans, jusqu’à ce
qu’on atteigne les conditions de développement à long
terme, si toutefois ces conditions sont atteintes un jour. Ces
plans ont servi de support à une série d’actions au sol. Des
règles d’urbanisme, bien entendu, et un plan de travaux
d’insonorisation. Ce dernier dispositif est assez complexe.
Dans le principe, il s’agit de limiter le niveau de bruit
maximum L Amax dans les pièces de nuit à 45 dB(A) et le L Amax
à l’intérieur des pièces de jour à 55 dB(A). Les isolements
nécessaires pour améliorer l’insonorisation sont définis.
L’administration, à travers la cellule EDSI, met en place le
processus : elle confie à un couple formé d’un acousticien et
d’un architecte l’élaboration d’un plan d’insonorisation et
des entreprises agréées Qualisound 1 sont chargées de la
réalisation. Mais ce n’est pas tout : si l’on définit un
isolement, il faut aussi maîtriser les niveaux maximum et,
pour cela, sont établies des limites de bruit autorisé au sol.
Les limites sont, de jour, de L Amax 93, 88 et 83 (zones B, C et
D respectivement) et, de nuit, de L Amax 87, 82 et 77 (zones
B, C et D respectivement). C’est, selon moi, le point le plus
contraignant du dispositif, mais il a son importance : seul le
respect des L Amax à l’extérieur des habitations peut garantir
le respect des L Amax à l’intérieur. Pour cela, le réseau
Diapason, doté de 16 stations permanentes de mesure,
assure le contrôle permanent des niveaux de bruit au sol.
Mais Diapason est plus qu’un simple réseau de contrôle des
niveaux de bruit. Il contrôle aussi les trajectoires, autorisant
ainsi le contrôle et la gestion des trafics ; il établit des
statistiques, ce qui permet de vérifier de manière
interactive la véracité et la validité du PEB ; enfin, il permet
de mener des opérations de communication telles que la
gestion des infractions et la gestion des plaintes. De
surcroît, des filtres spécialement établis et validés
permettent de statuer, objectivement et avec tout le poids
légal requis, sur la nature d’un événement sonore et de
dire : « ceci est un avion, ceci ne l’est pas ». En
complément, des mesures mobiles portant sur une durée de
quatorze jours sont réalisées afin de vérifier en différents
quartiers la validité statistique du PEB. Tout ceci se fait
dans le respect d’un principe d’égalité : si, d’aventure, les
mesures au sol sont différentes des valeurs calculées, ce
sont les valeurs mesurées qui servent de référence.
Toutes ces mesures démontrent le réel souci de bien
protéger les riverains. Au cœur du réseau Diapason, le
logiciel MAP-Aéro permet de centraliser les données issues
des stations de bruit, les données radar, les données météo,
sous forme d’une base de données Oracle. Cette structure
autorise différentes variantes de consultation des données, y
compris le web, moyennant des droits spécifiques.
1 Qualisound : formation à destination des entrepreneurs leur permettant de se
familiariser avec les notions acoustiques et les travaux d'insonorisation
Actes des 4 es Assises de la qualité de l’environnement sonore — Avignon — 18, 19 et 20 janvier 2005 PAGE 67