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Mireille Dumas en entretien avec Elisabeth Gauthier, Dominique Crozat<br />
que : si la France résiste plutôt moins mal à la crise que les autres pays, c’est<br />
précisément en raison de ses protections de l’emploi, de ses services publics,<br />
de sa protection sociale, même s’ils sont insuffisants. Ce n’est pas en les détruisant<br />
qu’on va mieux résister à la crise. C’est au contraire en réfléchissant<br />
comment les moderniser, les rendre plus performants, plus efficaces.<br />
Gauthier/Crozat : Peut-on parler de tendance à dépasser les divisions entre<br />
chômeurs, précarisés, salariés ayant un statut ou y a-t-il un risque d’exploitation<br />
de ces divisions pour aller vers des solutions plus autoritaires sur le plan<br />
politique <br />
Dumas : Certaines divisions sont en train de s’estomper notamment quant à<br />
la culpabilisation des chômeurs.<br />
Mais de nouvelles divisions surgissent. Face à la crise, pour ne pas remettre<br />
en cause le fond de sa politique le gouvernement génère de nouvelles divisions.<br />
Il développe son dispositif sur l’indemnisation du chômage partiel (ce<br />
qui est très important) mais tous les salariés en difficulté d’emplois n’entrent<br />
pas dans cette catégorie. Il y a aussi les divisions entre les salariés du donneur<br />
d’ordre qui ont plus de possibilités, syndicalement, d’obtenir des avancées et<br />
les salariés des entreprises sous-traitantes. Ce sont de nouveaux défis qu’il ne<br />
faut pas sous-estimer.<br />
Idéologiquement, ni le MEDEF ni le gouvernement ne restent l’arme au<br />
pied. Le gouvernement aujourd’hui est le premier à annoncer les mauvaises<br />
nouvelles ! Avant même que les statistiques du chômage ne soient publiées, il<br />
donne des chiffres ahurissants. Il y a de sa part l’envie délibérée d’accroître<br />
les peurs parce que la peur ne conduit pas à se battre. Derrière la pédagogie<br />
de la peur, il y a l’idée du recours au sauveur suprême… C’est un axe assez<br />
construit et qui peut aboutir à légitimer des politiques très autoritaires.<br />
L’autre aspect est l’aspect patronal. La présidente du MEDEF a d’abord<br />
dit que la crise nous plongeait tous dans un état de « sidération » ; ce terme<br />
participe du climat de peur, dont je viens de parler. Devant la force de la mise<br />
en cause du système, elle s’ancre maintenant dans le discours classique et caricatural<br />
d’un MEDEF arc-bouté sur le « droit de propriété » (terme employé),<br />
refusant toute idée de responsabilisation des entreprises, de nouveaux critères<br />
de gestion, de nouveaux critères de partage entre salaires et profits.<br />
Nicolas Sarkozy cherche aussi à brouiller les repères. Il développe l’idée<br />
du partage en trois tiers entre le capital et le travail. Il veut donner le sentiment<br />
d’un président de la République presque anticapitaliste, qui remettrait<br />
en cause les dividendes des actionnaires ; il peut alors apparaître comme le<br />
conciliateur entre des syndicats qui auraient des revendications inconsidérées<br />
et un MEDEF arc-bouté sur les privilèges… on aurait là un président de la<br />
République capable d’incarner, si ce n’est une troisième voie, tout au moins<br />
un consensus.