Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireLes abus à l’encontre des personnes âgées, allant des accusations de sorcellerie aux violences etaux expulsions du foyer, semblent en voie de s’aggraver en raison des pressions économiques surles ménages et l’affaiblissement des valeurs traditionnelles de solidarité intergénérationnelle au seinde la famille. Dans le cas des veuves, celles-ci sont exposées au risque additionnel de spoliationde leurs biens après la mort de leur mari, notamment dans les ethnies de caractère matrilinéaire,où les biens du défunt sont confisqués par la belle-famille (Soko, 2010). Selon l’EIS de 2005, 74%des veuves se déclarent avoir été dépossédées de leurs biens (MLS et al, 2006).S’agissant des risques de maltraitance ou abus des enfants, l’enquête MICS de 2006 a révéléque 90% des enfants âgés de 2 à 14 ans ont subi au moins une forme de punition psychologiqueou physique, et 21% ont fait l’objet de corrections physiques sévères.Selon la même source, la pratique de l’excision, qui expose les filles et les femmes à des risquesgraves pour leur santé et leur bien-être, est très répandue, tout en étant en voie de réduction graduelleet montrant des variations assez importantes selon les régions (et leurs respectives traditionsculturelles). Dans l’ensemble, 36,4% des femmes âgées de 15 à 49 ans ont subi une formed’excision, et pour 5,4% sous une forme extrême, l’infibulation, qui est pratiquée essentiellementdans le Nord-Est (41,9%). C’est dans les régions du Nord, du Nord-Ouest, de l’Ouest, du Centre-Nord et du Nord-Est que l’excision, sous une de ces formes, est la plus répandue avec des tauxde prévalence allant jusqu’à 73% dans l’Ouest et 88% dans le Nord et le Nord-Ouest. L’excision estplus fréquente parmi les femmes sans instruction et les ménages pauvres. La désagrégation destaux d’excision par groupes d’âges (allant de 28% pour les femmes de 15 à 19 ans jusqu’à 44%pour celles de 35 à 39 ans) laisse à croire que la pratique est en cours de réduction à long terme,même si elle est toujours approuvée par une proportion importante de femmes, surtout dans lesrégions où elle est la plus profondément ancrée.La pauvreté grandissante pousse les ménages à recourir au travail des enfants, au détriment deleur développement (la scolarisation et la réussite en classe) et dans les pires cas au risque de leursanté. La MICS de 2006 a trouvé que, dans l’ensemble, 35,3% des enfants âgées de 5 à 14 anstravaillent. 8 Il s’agit principalement d’enfants qui travaillent dans des « entreprises familiales » (30,5%),c’est-à-dire dans l’agriculture familiale, de petits commerces et d’autres activités productives au seinde la famille. Même si l’enrôlement des enfants dans les groupes armés est en diminution depuis lafin de la crise, le risque demeure, tant qu’il n’y a pas de stabilité durable dans certaines parties duterritoire, notamment dans l’Ouest.3.2 Les sources de vulnérabilitéUn individu sera vulnérable s’il est exposé à des risques et ne dispose pas de capacitéssuffisantes pour les amortir et atténuer leurs impacts néfastes. La nature et le degré devulnérabilité peuvent varier selon plusieurs dimensions, parmi lesquels la situation économiquedes ménages, le lieu de résidence, l’âge, le genre (sur base de certaines croyances et pratiquesculturelles) et le capital humain.3.2.1 Vulnérabilité économiqueComme il a déjà été noté, le niveau de vie a fortement baissé (dans tous les déciles dedépenses) et les taux de pauvreté ont énormément augmenté au cours du dernier quart desiècle, réduisant la capacité des ménages à gérer les risques. Non seulement l’incidence depauvreté (P0) a presque quadruplé entre 1985 et 2008, mais la profondeur et la sévérité de pauvretése sont également aggravées. 9 L’écart de pauvreté (P1) est ainsi passé de 12,9% en 2002 à 18,2%8 La MICS a utilisé la définition suivante d’enfant travailleur, selon l’âge : l’enfant âgé de 5 à 11 ans qui a effectué au moins une heure de travailrémunéré ou 28 heures de corvées ménagères par semaine ; et l’enfant âgé de 12 à 14 ans qui a effectué au moins 14 heures de travailrémunéré ou 28 heures de travail domestique par semaine.9 Il faut indiquer que le seuil de pauvreté utilisé en Côte d’Ivoire est constant en termes réels et est égal au seuil de 75 000 FCFA par an et partête établi lors de la première enquête auprès des ménages (EPAM 85) pour la période de février 1985 à janvier 1986. Ce seuil était relatifet correspondait au revenu maximum des 10% les plus pauvres de la population de l’époque. Il a été actualisé chaque année d’enquête enfonction du taux d’inflation. Ainsi, le seuil de pauvreté à la date de l’ENV de 2008 était de 241 145 FCFA par an et par tête, ce qui correspondaità une dépense journalière de 661 FCFA par personne. La Banque Mondiale a apporté quelques critiques par rapport à la comparabilité desindices de pauvreté et a introduit des ajustements qui ont légèrement changé les taux de pauvreté (Banque Mondiale, 2010a).15
Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoireen 2008, ce qui signifie que les pauvres se sont davantage éloignés du seuil de pauvreté et qu’uneaugmentation plus importante de leur niveau moyen de consommation est aujourd’hui requise pourleur permettre de sortir de la pauvreté.Malgré une réduction de l’inégalité entre 2002 et 2008, le coefficient de Gini passant de 0,50à 0,44, la structure des dépenses de consommation reste très inégalitaire. La part des 10% lesplus pauvres (premier décile) dans la consommation totale ne constituait que 2,2% en 2008, alorscelle des 10% les plus riches représentait 32,8%. Cependant, cette inégalité est essentiellementau « sommet » de la courbe de distribution des dépenses de consommation, comme il apparaîtclairement dans la Figure 3.2 (p. 11). Sur les premiers six ou sept déciles de consommation, la courbeest relativement plate. La différence inter-décile du niveau moyen de dépenses de consommationpar décile est seulement 3 540 FCFA par mois et par tête entre les premier et septième déciles. Ily a peu de différence entre le niveau de vie des ménages des quatrième et cinquième déciles, quisont pauvres, et celui des ménages des 6 ème et 7 ème déciles, qui sont non-pauvres. Ces derniersdemeurent proches du seuil de pauvreté et restent ainsi à haut risque de tomber en-dessous de ceseuil en cas de chocs. (MEMPD/INS, 2008)Qui sont les pauvres ? La faible différence de niveau de vie entre pauvres et non-pauvres modérésrend assez difficile l’identification des caractéristiques qui discriminent clairement les pauvres, cequi risque de rendre très inexact n’importe quel moyen de ciblage économique des ménages.Cependant, quelques caractéristiques augmentent la probabilité qu’un ménage soit pauvre :la résidence en milieu rural et dans certaines régions, notamment dans les zones Nord et Ouest ;l’occupation dans le secteur agricole informel ; la grande taille des ménages et les rapportsde dépendance élevées ; et le fait que le chef de ménage soit femme, handicapé ou analphabète.Selon l’ENV de 2008, la taille moyenne des ménages pauvres (6,0 personnes) est largementsupérieure à celles de l’ensemble des ménages (4,7 personnes). Le ratio de dépendance démographique(nombre d’enfants de moins de 15 ans et de personnes âgées de 60 ans et plus pour100 personnes en âge de travailler) est de 105 chez les ménages pauvres, par rapport à 61 chezles ménages non pauvres.La plupart de la population pauvre d’âge actif exerce dans le secteur agricole. Selon l’ENV de2008, 46% des personnes pauvres âgées de 15 ans et plus sont occupées dans le secteur agricole,comme agriculteurs à l’exportation (12,2%), agriculteurs vivriers et éleveurs (15,1%) ou ouvriers etmanœuvres agricoles (18,8%). Environ 15% travaillent dans le secteur informel, tandis que 9% sontchômeurs et 18% sont inactifs (ménagères, élèves, étudiants, retraités, etc.). Près de 65% despersonnes exerçant dans l’agriculture informelle sont pauvres, par rapport à 49% pour l’ensemble de lapopulation. Compte tenu du fait que plus de la moitié de la population active exerce dans l’agriculture,les faiblesses des revenus dans ce secteur de l’économie expliquent en bonne partie l’importance dela pauvreté en Côte d’Ivoire. Selon la Banque Mondiale (2010b), la pauvreté a augmenté de 10 pointsde pourcentage parmi les agriculteurs entre 2002 et 2008 en raison d’une confluence de facteurs,parmi lesquels la chute des prix du cacao et du café et les impacts du conflit. De plus, la productivitéagricole est faible (avec un taux moyen d’efficience de seulement 50% en 2008), en raison de niveauxfaibles d’utilisation d’intrants agricoles (engrais et pesticides), de difficultés d’accès aux marchés et decontraintes de liquidité (difficultés d’accès au crédit). 10 Cette analyse de la Banque Mondiale donnepeu d’importance à la question foncière, mais pour d’autres auteurs (par exemple, Aka, 2007) lapropriété foncière est essentielle dans la perception de revenus en milieu rural et constitue l’une desprincipales sources des conflits sociopolitiques des dernières années. 1110 En ce qui concerne l’accès au crédit, non seulement le niveau global de sollicitation de crédit est extrêmement faible (seulement 11% de lapopulation totale et 9% des pauvres en 2008), mais encore l’écrasante majorité des crédits sont accordés par des individus (73% des crédits en2008,et 81% dans le cas des pauvres), selon l’ENV 2008. En effet, le secteur du crédit formel est très peu développé, les banques fournissantà peine 7% des crédits et les institutions de micro-finance seulement 3% (et encore moins en milieu rural : 1,5% contre 3,4% en milieu urbain).11 L’accès à la propriété foncière est régi par la loi, mais cette loi coexiste avec des règles socioculturelles et coutumières très variées selon lesrégions, biaisant l’accès à la terre entre hommes et femmes dans plusieurs régions (MEMPD/INS, 2008).16
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