Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoirede filiation est patrilinéaire ou matrilinéaire, notamment en ce qui concerne les obligations envers lesveufs, les veuves et les orphelins (Soko, 2010) 15 . En outre, le sentiment d’appartenance familialeet les obligations qui en découlent sont à la base des importants transferts intra et interfamiliaux.Ces transferts constituent environ 7% des revenus des ménages selon les données de l’ENV 2008(Banque Mondiale, 2010a). Les parents et les amis sont aussi les principales sources de crédit, loindevant les structures financières formelles (banques et institutions de microfinance).Au-delà de la famille étendue, les structures associatives remplissent une fonction d’entraide.Soko (2010) a décrit les mécanismes de protection, sous forme d’entraide ou de mutualisationinformelle des risques, établies par toute une gamme de structures : les « associations ethniquesen ville », qui ont été les premiers soutiens des populations déplacées internes dans les villes,notamment pour l’hébergement et les premiers secours en vivres et en non vivres ; les « associationsau village », souvent des groupes homogènes de femmes ou de jeunes qui épaulent les parentsdans la prise en charge des personnes vulnérables ; les églises, les mosquées et les associationsreligieuses, qui par leurs œuvres sociales apportent des aides aux populations déplacées, appuientles OEV (notamment en recherchant des « familles d’accueil ») et viennent également en aide auxhandicapés et aux personnes âgées ; les associations de retraités de la fonction publique oudu secteur privé ; les associations de personnes handicapées ; les associations de populationsdéplacées ; les sociétés funéraires, qui mutualisent les dépenses liés aux décès 16 ; et les « grenierssemenciers » ou « banques de céréales », qui gèrent des stocks en nature au niveau villageois ouinter-villageois qui peuvent être vendus ou prêtés au moment de la période de soudure.Le système de protection sociale informelle est donc largement dominé par : (1) les obligationsd’entraide intra et interfamiliale, caractérisée par des transferts entre parents, amis, enfants,voisins et familles à l’étranger et la prise en charge d’individus vulnérables (orphelins, personneshandicapées et personnes âgées) au sein de la famille (étendue) ; et (2) par l’assurance mutuelleinformelle, c’est-à-dire la réciprocité de prestations au sein de structures communautaires telles queles associations, les sociétés funéraires, les banques de céréales et les tontines. Ces dernièresoffrent des prestations sociales diverses aux membres affiliés en termes d’assistance financière,matérielle et morale en cas d’événements malheureux ou heureux : décès, maladies, cérémoniesrituelles (naissance, initiation, etc.), dot, mariage, scolarisation, soudure, etc. Les associations depersonnes déplacées se sont constituées afin de faire face aux problèmes spécifiques découlantdes déplacements, y compris pour le retour et la réinsertion dans les zones d’origine.Ces systèmes d’assurance mutuelle informelle, qui sont bien ancrés dans les cultures del’Afrique de l’Ouest, ont l’avantage d’être des initiatives avant tout endogènes, c’est-à-direinitiées par les réseaux sociaux bénéficiaires et proposant des paquets de prestations ancrées dansles logiques et réalités sociales de leurs communautés respectives. Mongbo (dans Hodges et al,2010) note que leur mode d’organisation, de fonctionnement et de gestion est généralement moins15 Selon Soko (2010, pp. 13-14) : « Dans les sociétés où le système de filiation patrilinéaire prévaut (Korogho, Daloa, San Pédro et Bondoukou),la règle veut que l’enfant appartienne au groupe du père. Au moment du mariage, la dot de la femme est offerte à la famille de son époux, et lesenfants qui naîtront de cette union s’inscriront dans la lignée paternelle dont ils porteront le nom. Au décès de l’époux, et afin que les enfantspuissent rester près de leur mère tout en continuant d’appartenir à la lignée paternelle, un frère du mort est désigné pour épouser la veuve.C’est la logique du lévirat. Si pour une raison ou pour une autre, la veuve retourne vivre chez ses parents, les enfants sont alors confiés à unetante paternelle qui s’en occupe […] Dans ce système, les enfants héritent de leur père, et c’est l’oncle paternel qui est chargé d’administrer leurpatrimoine jusqu’à ce qu’ils deviennent adultes. Lorsque le père se retrouve veuf, les enfants devenus orphelins de mère sont élevés par uneautre épouse du père ou par une sœur de ce dernier ». Par contre, « dans les sociétés matrilinéaires (Aboisso, Yamoussoukro), les enfants sontaffiliés à la famille de leur mère. Ils sont placés sous la responsabilité directe du frère aîné de leur mère : l’oncle maternel qui est le père socialdes enfants […] Lorsqu’un père meurt, ses héritiers sont ses neveux, ce qui a pour effet de soustraire la veuve et les enfants au droit d’hériter.Ces derniers héritent de leur oncle et ne peuvent pas s’opposer à la restitution des biens du défunt à sa famille. Ses sœurs et leurs enfants sontles bénéficiaires traditionnels de l’héritage […] Le rôle parental de l’oncle maternel, caractéristique majeure de l’organisation familiale matrilinéaire,reste à l’heure actuelle un aspect fonctionnel dans certaines sociétés et il est observable à travers les stratégies de survie des parents vivant avecle VIH. [… Cependant] dans le système matrilinéaire, surtout à Aboisso, lorsque qu’un père meurt, la famille de celui-ci peut estimer qu’elle n’aplus rien à voir avec la veuve et ses enfants, et les chasser. Dans ce cas, par exemple, la femme doit donner tous ses biens à sa belle-famille,pour en sortir libérée et pouvoir se remarier. Théoriquement, la veuve doit retourner dans sa famille et garder avec elle ses enfants. Après le décèsdu père, et davantage encore dans le cas du SIDA, les biens sont confisqués par la belle-famille, les enfants et elles sont chassés de la parcelle,accusés d’avoir ‘mangé’ l’époux père en sorcellerie. »16 Soko (2010) affirment que les zones de Daloa, de San Pédro, d’Aboisso et d’Abidjan sont les zones de prédilection des sociétés funérairesChaquemembre cotise au niveau d’au moins 500 FCFA par mois. Avec cette somme, la société funéraire garantie que si un membre de la famille duparticipant meurt dans l’année (à l’exclusion des nourrissons et des jeunes enfants), la famille reçoit 100 000 FCFA du fonds.29
Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoirecontraignant que la mutualisation formelle, étant fondé sur des contrats implicites et des compromiset règles flexibles qui sont généralement admises et respectées par tous en raison de leur ancragesocioculturel et des utilités que leur procurent les prestations offertes. Soko (2010) met en relief lesmêmes atouts : l’obligation morale tacite (« chacun se sentant redevable à l’autre »), la confiancedans les relations, la sûreté et la rapidité des prestations.Toutefois, les mécanismes traditionnels d’entraide sont peu adaptés aux chocs à largeéchelle qui affectent des communautés et régions entières et requièrent des réponses bienau-delà des ressources disponibles au niveau des familles et des structures communautaireset associatives. Les communautés ayant des risques plus élevés (et souvent des ressources pluslimitées) doivent supporter une charge plus importante. Par ailleurs, la multiplicité, la gravité et ladurée des chocs en Côte d’Ivoire, surtout des chocs économiques et politiques de nature collectiveou covariante, ont exacerbé l’insécurité à laquelle font face les ménages. L’appauvrissement desfamilles les rend de moins en moins capables d’assumer leurs obligations familiales traditionnelles,par exemple pour la prise en charge des orphelins et des veuves, et la crise sociopolitique a entrainél’effondrement de quelques filets de sécurité familiaux et communautaires dans les zones les plustouchées par l’insécurité et les déplacements de populations.En outre, les migrations et déplacements, l’urbanisation et la modernisation compromettent lemaintien des traditions de solidarité. Soko (2010, p. 22) constate l’émergence d’un « processusd’individualisation au sein des familles » et affirme que la crise économique et sociopolitique etses conséquences ont fragilisé les solidarités familiales, « en favorisant des comportements plusindividualistes chez les chefs des ménages les moins pauvres. […] Outre un recentrage sur lafamille proche, un arbitrage s’oppose souvent au profit des parents plus créanciers : On aide quiaide, on aide qui a aidé ou on aide qui pourra aider. L’individu ne rompt donc pas totalement deslogiques et devoirs de la solidarité familiale, mais il les renégocie sur la base d’un donnant-donnantet d’un arbitrage en fonction des nouvelles exigences propres au couple et de sa progéniture. »Les personnes socialement exclues auront encore plus de difficultés à accéder à ces mécanismesfondés sur la réciprocité. La nature horizontale de la réciprocité se reflète, semble-t-il, dans lemanque de progressivité des transferts privés et le fait que seulement 20% des destinataires setrouvent dans la moitié la plus pauvre de la population, selon l’ENV 2008 (Banque Mondiale, 2010a).On voit ainsi clairement la nécessité de construire un système plus formel de protection sociale desménages ivoiriens dans un contexte de vulnérabilité profonde et de risques multiples.4.2 L’assurance socialeLes régimes d’assurance sociale ont un impact minime en matière de protection de lapopulation générale contre les risques sociaux. A peine 6% de la population vit dans un ménageayant au moins une personne qui bénéficie de pensions de retraite ou d’autres assurances. Laproportion de ménages ayant au moins une personne qui bénéficie de pensions de retraite oud’autres assurances est légèrement plus élevée en milieu urbain (8%) qu’en milieu rural (3%)(Banque Mondiale, 2010a). L’assurance sociale se limite essentiellement aux travailleurs du secteurformel, c’est-à-dire aux employés de l’administration publique et des grandes entreprises privéeset paraétatiques, ainsi qu’à leurs ayants droit. L’écrasante majorité de la population qui dépend del’agriculture familiale et d’autres branches du secteur informel se trouve exclue. En fait, à peine 2%des personnes de 15 ans et plus vivant dans les ménages pauvres en 2008 exerçaient dans lessecteurs formels public ou privé (MEMPD/INS, 2008a).Le système d’assurance sociale est constitué essentiellement des deux caisses de sécurité sociale etdes mutuelles professionnelles. Les caisses fournissent des pensions de retraite et quelques autresprestations sociales, et les mutuelles professionnelles s’occupent principalement de l’assurancemaladie. Les deux caisses sont la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) pour le secteurprivé et la Caisse Générale de Retraite des Agents de l’Etat (CGRAE) pour le secteur public. Lesprincipales mutuelles sont la Mutuelle Générale des Fonctionnaires de Côte d’Ivoire (MUGEFCI),le Fonds de Prévoyance Militaire (FPM) et le Fonds de Prévoyance de la Police Nationale (FPPN).30
- Page 2: CADRE DE DEVELOPPEMENTDE LA STRATEG
- Page 7 and 8: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 10: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 15 and 16: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 17 and 18: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 19 and 20: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 22 and 23: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 24 and 25: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 26 and 27: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 28 and 29: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 30 and 31: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 32 and 33: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 34 and 35: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 36 and 37: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 38 and 39: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 40 and 41: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 42 and 43: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 44 and 45: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 46 and 47: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 48 and 49: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 52 and 53: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 54 and 55: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 56 and 57: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 58 and 59: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 60 and 61: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 62 and 63: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 64 and 65: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 66 and 67: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 68 and 69: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 70 and 71: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 72 and 73: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 74 and 75: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 76 and 77: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 78 and 79: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 80 and 81: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 82 and 83: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 84: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 87 and 88: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 89 and 90: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 91 and 92: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 93 and 94: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 95 and 96: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 97 and 98: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 99 and 100: Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 101 and 102:
Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 103 and 104:
Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 105 and 106:
Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 107 and 108:
Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 110 and 111:
Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 112 and 113:
Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 114 and 115:
Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 116 and 117:
Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 118 and 119:
Etat des lieux, défis et perspecti
- Page 120 and 121:
Etat des lieux, défis et perspecti