Ce soir je vais tuer l'assassin - Jacques Expert

– Je ne t’ai rien dit, compris ? ajoute-t-il en jetant le papier dans la poubelle.
– Bien sûr, monsieur Boulard. Vous pouvez me faire confiance.
Il pose sa main sur mon épaule.
– Sois prudent maintenant. Étudie ses habitudes, prends le temps qu’il faut, mais
ne le rate pas.
– Vous pouvez compter sur moi. Je l’aurai, ce fumier.
Le téléphone sonne et interrompt notre conversation. Je l’entends dire : « Passezla-moi.
» De la main, il me fait signe qu’il n’en a que pour quelques instants. Il
s’agace, lève les yeux au ciel, répond par des « oui » brefs, un « n’importe quoi » et
« avec Delmas » aux longues questions de son interlocutrice dont, de mon siège, je
perçois la voix insistante. Il repose le combiné en hochant la tête, comme pour lui
seul. Je me retiens de lui demander si c’est sa femme qui le houspille à ce point. Il
reprend :
– Tu as une arme ?
– Un fusil de chasse. Je dois encore acheter des cartouches. J’ai pensé à des
balles pour la chasse au sanglier.
Il tape amicalement sur mon épaule à trois reprises.
– Des balles pour le sanglier, il n’y a pas mieux pour le zigouiller, cette ordure.
Sois bon, Antonio ! me dit-il avec un sourire.
– Vous pouvez être sûr que je serai à la hauteur.
– Et n’oublie jamais qu’il a tué ton gamin, ni la promesse que tu as faite à ton
épouse. Comment s’appelle-t-elle, déjà ?
– Sylvia.
– Sylvia, c’est portugais comme prénom ?
– Oui, monsieur, nous sommes tous les deux originaires de la même région.
– Ça alors... Et vous êtes mariés depuis longtemps ?
– Douze ans, monsieur Boulard.
– Et tu l’aimes toujours, ta Sylvia ? C’est beau, l’amour !
Je me lève et lui serre la main. Je ne prononce pas un mot, mais cette poignée de
main vaut tous les mercis.
En m’éloignant, je l’entends dire :
– Ferme la porte derrière toi.
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