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venait souvent, mais <strong>je</strong> n’ai pas osé ajouter : « Vous recueillir sur les lieux de<br />
l’accident. »<br />
– Jamais, c’est la première fois que <strong>je</strong> m’arrête. Je passe souvent par là quand <strong>je</strong><br />
me balade, et <strong>je</strong> rejoins la maison par le chemin de terre un peu plus loin. C’est par<br />
là aussi que passait mon fils en vélo, et <strong>je</strong> me suis arrêté en voyant ce ruban dans le<br />
fossé.<br />
Il a braqué sa puissante lampe dans ma direction – les Portugais sont toujours<br />
bien équipés – et il a demandé :<br />
– Vous le voyez ? Je me demande si c’est celui que les gendarmes ont mis autour<br />
de l’accident.<br />
Il avait de drôles de questions, ce Rodriguez. Il aurait dû être ému aux larmes et,<br />
au contraire, il se posait des questions à la con. Je connaissais la réponse, car j’a<strong>vais</strong><br />
suivi la balade du ruban pendant des mois. J’ai pensé : « Oui, c’est bien ton ruban,<br />
Rodriguez », mais <strong>je</strong> me suis contenté de répondre :<br />
– Probablement.<br />
– Ils ne nettoient pas souvent les fossés, dans le coin.<br />
C’est tout juste s’il n’a pas ajouté : « Avec tous les impôts qu’on paie, ils ne sont<br />
pas foutus de faire le boulot correctement. » Se pourrait-il qu’il ait tourné la page de<br />
la mort de son gamin ? Il y en avait pas mal qui le pensaient à la boîte. « Il est<br />
comme avant, notre Tonio », disait souvent Irène, l’assistante du boss. Elle ajoutait :<br />
« Je ne sais pas comment il peut faire. Moi, <strong>je</strong> ne pourrais pas. » Les gars<br />
approuvaient. <strong>Ce</strong> n’était pas parce qu’ils voulaient que Rodriguez souffre, mais ils<br />
le trouvaient trop gai, trop « comme avant ». <strong>Ce</strong> type m’épatait et m’intriguait. Je ne<br />
pou<strong>vais</strong> pas croire qu’il ne souffrait pas, surtout ce <strong>soir</strong>, à l’endroit même où son fils<br />
était mort. Franchement, moi, <strong>je</strong> n’aurais pas pu.<br />
– Vous voulez que <strong>je</strong> vous ramène ?<br />
Il n’a pas hésité.<br />
– Pourquoi pas, ça caille vraiment. Merci, monsieur Boulard.<br />
Il s’est installé à côté de moi et il m’a montré le chemin de terre :<br />
– C’est plus court par là.<br />
Mais j’ai fait demi-tour. Il n’était pas question que <strong>je</strong> salisse ma caisse dans la<br />
boue. Parvenus dans la cité, il a désigné un petit immeuble blanc.<br />
– C’est ici. Nous habitons au deuxième.<br />
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