Ce soir je vais tuer l'assassin - Jacques Expert

– Tu vois que j’ai bien fait.
Je la crois vaincue, mais la bête se rebiffe.
– Le pauvre type... Quand je pense...
Je ne la laisse pas finir :
– Je pense, moi, que ce pauvre type, comme tu dis, a tué un gamin et que
Rodriguez a raison. Point final.
– Point final ? C’est toi qui le dis, Jean-Pierre. Cette histoire est loin d’être
terminée. Tu peux me croire.
Tu me menaces, connasse ? Mais qu’est-ce que tu peux faire ? Aller voir les
flics ? Me dénoncer ? As-tu pensé une seconde à ce qui se passerait si tu allais les
trouver, à part foutre le bordel dans ta petite vie bien ordonnée ? Tu as songé à nos
gosses ? Crois-moi, ça va tellement décoiffer, quand Rodriguez l’aura flingué, que
les flics préféreront enterrer l’affaire plutôt que de la rouvrir. Ils ne voudront surtout
pas passer pour des manches. Ce serait reconnaître qu’ils se sont gourés et qu’ils ont
mis Rodriguez sur la piste d’un innocent. Cela, ils ne l’admettront jamais. JAMAIS,
tu m’entends ? Rodriguez s’en tirera avec l’indulgence du tribunal et tout le monde
sera content. J’irai même témoigner en sa faveur, s’il le faut. Et, crois-moi, je saurai
trouver les mots pour émouvoir le tribunal. Voilà comment tout va se terminer.
Alors, arrête de me faire chier et reconnais plutôt que tu as intérêt à la fermer.
C’était un accident, le gamin s’est jeté sur ma caisse et j’ai bien fait de filer. Je ne te
dis pas dans quelle merde tu serais si je m’étais arrêté. Tu aimerais vendre la
maison, fuir le quartier, payer un avocat, emmener les gosses voir leur père en
taule ? Tu serais obligée de bosser au lieu de ne rien branler de la journée. Et la
honte ? Tu as pensé à la honte, Christine ?
Je pourrais lui balancer tout ça à la gueule, mais je garde ces pensées pour moi.
J’ai gagné, point final ! Ce soir, j’aurai le dernier mot.
– Je crois qu’il va le flinguer cette nuit.
– Cette nuit ? Déjà ? Ce n’est pas possible.
– Si, c’est possible, et même certain ! Il me l’a dit. Ce sont des choses qui se
disent entre hommes. Évidemment, une femme ne peut pas comprendre ça.
– Quel salaud !
Je sais qu’elle parle de moi, mais je fais l’innocent.
– Non, Christine, ce n’est pas un salaud, c’est juste un homme qui va venger
l’assassinat de son fils. Le salaud, c’est Demay !
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