– Oui. Il faudra être courageux. Le lieutenant Favier va vous accompagner. Sur l’instant, <strong>je</strong> n’a<strong>vais</strong> pas voulu en savoir davantage, et j’a<strong>vais</strong> seulement dit que <strong>je</strong> le suivrais dans ma voiture, mais, tandis que <strong>je</strong> m’approchais de Sylvia, <strong>je</strong> me suis demandé pourquoi <strong>je</strong> n’a<strong>vais</strong> pas réussi à trouver mon fils cette nuit-là, alors que j’étais passé tant de fois sur cette route. <strong>Ce</strong>tte question me hante depuis : si <strong>je</strong> l’a<strong>vais</strong> découvert, aurait-il été sauvé ? 37
Peut-on survivre, après ça ? Il y a tant d’injustice dans la mort de notre fils. Il y a tellement de questions qui continuent à nous hanter, à nous poursuivre. Pourquoi l’a-t-elle laissé sortir ce <strong>soir</strong>-là ? Pourquoi s’est-il aventuré jusqu’à la route ? Auraitil été sauvé si son <strong>assassin</strong> s’était arrêté ? A-t-il souffert ? S’est-il senti mourir ? Saurons-nous un jour qui a tué notre enfant ? Pourquoi ai-<strong>je</strong> été incapable de le trouver ? Nous n’en parlons jamais avec Sylvia. À quoi cela servirait-il, sinon à nous faire du mal ? Et ce mal, cette douleur, <strong>je</strong> n’en veux plus. Car <strong>je</strong> veux revivre après ça, oublier ces questions si douloureuses qui, <strong>je</strong> le sais, la hantent, elle aussi. Chacun de son côté, nous avons fini par reprendre notre vie d’avant. Elle, à l’hôpital Charcot, moi, chez Gaboriaud. Sauf que le <strong>soir</strong> nous ne sommes plus que trois à table. Parfois Priscilla se trompe encore, elle pose quatre assiettes avant de remonter jouer et l’un de nous retire les couverts inutiles, sans prononcer un mot. Nos repas sont le plus souvent silencieux et rapides. Heureusement que Priscilla est là pour nous éviter un face-à-face douloureux. Elle occupe nos dîners en racontant ses journées à l’école, ses copines, ses cours de danse, sa vie de petite fille curieuse, tout ce qui nous mettait en joie auparavant. En revanche, elle évoque rarement son frère, sauf pour réclamer ses jouets. « Elle n’a pas encore réalisé. Les enfants n’ont pas la même relation avec la mort que les adultes », a tenté de m’expliquer ma mère, à qui <strong>je</strong> faisais part de mon étonnement sur l’indifférence de notre fille à l’égard de son frère disparu. Depuis, j’ai compris qu’elle savait. Elle savait que nous n’aimions pas que l’on parle de lui et elle avait choisi de taire sa peine pour ne pas réveiller la nôtre. Trop concentrés par le souci permanent de ne pas penser à notre douleur, nous ne devinions pas la sienne. Après le dîner, <strong>je</strong> ressens comme un soulagement quand, après avoir rangé sa cuisine, Sylvia passe à ma hauteur en disant d’une voix lasse : – Je <strong>vais</strong> me coucher. Je réponds : – Bonne nuit, ma chérie. – N’oublie pas de vérifier que Priscilla a bien éteint. Puis, comme avant, elle me caresse la main en passant à ma hauteur, un geste maintenant presque machinal et obligatoire. <strong>Ce</strong>t ultime lien affectif entre nous maintient l’espoir d’un futur possible, l’idée que nous sommes toujours unis. J’entends couler l’eau dans le lavabo. Je sais qu’elle avale un cachet, sinon elle 38
- Page 2 and 3: PREMIÈRE PARTIE 22 février, 0 h 0
- Page 4 and 5: Onze mois plus tôt. Jean-Pierre Bo
- Page 6 and 7: Je freine en catastrophe, une cinqu
- Page 8 and 9: samedi matin, et je passe ensuite l
- Page 10 and 11: Heureusement, M. Delmas n’avait p
- Page 12 and 13: Je reste encore un moment devant la
- Page 14 and 15: personne ne m’a vu, et je ne risq
- Page 16 and 17: milliers. Il faudra simplement que
- Page 18 and 19: perdre son gosse ? » Pourtant, ces
- Page 20 and 21: M. Delmas a loué deux minibus pour
- Page 22 and 23: Jusqu’au dernier moment, les enfa
- Page 24 and 25: demain. Il n’y a rien d’autre
- Page 26 and 27: vides. Elle a écrit au maire pour
- Page 28 and 29: Nous n’avions pas revu Rodriguez
- Page 30 and 31: demande : - Qu’est-ce qui se pass
- Page 32 and 33: - J’espère qu’ils vont choper
- Page 34 and 35: Je passe désormais à la gendarmer
- Page 36 and 37: j’avais retenu mes larmes, dans l
- Page 40 and 41: ne trouverait pas le sommeil. Penda
- Page 42 and 43: Au village, je passe de bonheur sim
- Page 44 and 45: Sylvia Je n’ai cessé d’y pense
- Page 46 and 47: Sa question me tire de ma léthargi
- Page 48 and 49: Et il ajoute, content de lui : - On
- Page 50 and 51: grand jeu pour des connards ! J’e
- Page 52 and 53: - N’oubliez pas de redescendre le
- Page 54 and 55: de le poursuivre avec cette histoir
- Page 56 and 57: Ne tolérant plus l’embarras de c
- Page 58 and 59: Pierre. Je répliquais sur un ton q
- Page 60 and 61: venait souvent, mais je n’ai pas
- Page 62 and 63: - Sur quoi elle est si à cheval, M
- Page 64 and 65: J’aurais bien aimé lui raconter
- Page 66 and 67: profond de moi, presque de la honte
- Page 68 and 69: Avant, je ne prêtais pas beaucoup
- Page 70 and 71: ejoindre Sylvia. - Oui. - Commandan
- Page 72 and 73: - Il faut attendre le commandant, i
- Page 74 and 75: J’éprouve un profond sentiment d
- Page 76 and 77: et muet face à lui. Il est incapab
- Page 78 and 79: Sylvia Dans la voiture, je demande
- Page 80 and 81: Je n’ai aucune intention d’alle
- Page 82 and 83: - Vous êtes sûrs que c’est lui
- Page 84 and 85: Elle a bien vu, cette petite garce,
- Page 86 and 87: - Fêter quoi ? - C’est vrai, tu
- Page 88 and 89:
Ce ne sont pas ses ronflements qui
- Page 90 and 91:
Et puis, un jour, en rentrant d’E
- Page 92 and 93:
- Puisque tu y tiens tant, je jure
- Page 94 and 95:
qu’il n’a rien fait, que ce n
- Page 96 and 97:
Trois semaines plus tôt. Jean-Pier
- Page 98 and 99:
Christine m’a appelé à trois re
- Page 100 and 101:
le procès. - Moi, je ne pourrais p
- Page 102 and 103:
J’éteins le moteur. Il s’excus
- Page 104 and 105:
Depuis ce soir-là, je suis devenu
- Page 106 and 107:
- Il nie maintenant. Je refuse de p
- Page 108 and 109:
M. Boulard est à la fenêtre de so
- Page 110 and 111:
Jocelyne n’a pas été longue à
- Page 112 and 113:
Puis par l’interphone : - Jocelyn
- Page 114 and 115:
premier pastis et en commander un s
- Page 116 and 117:
jamais autant que ce soir je n’ai
- Page 118 and 119:
d’incrédulité et de rage froide
- Page 120 and 121:
- Tu vois que j’ai bien fait. Je
- Page 122 and 123:
Christine Boulard Je vois immédiat
- Page 124 and 125:
Comment a-t-il pu se faire avoir au
- Page 126 and 127:
plus doucement possible près de la
- Page 128 and 129:
dire qu’ils ne sont pas coupables
- Page 130 and 131:
Depuis, le souvenir du visage du li
- Page 132:
disperser les cendres de Victor. Qu