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Ce soir je vais tuer l'assassin - Jacques Expert

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douleur au moment où le curé a béni le cercueil », sur le fumier « qui avait détruit<br />

cette famille », et « Tonio qui adorait son gosse ». Elle nous a pris à témoin :<br />

– Comment peut-on survivre à un drame pareil ? Moi, <strong>je</strong> ne pourrais pas.<br />

Comme nous tous, elle avait été particulièrement impressionnée par l’image de<br />

« ce pauvre Tonio, seul, debout, ne lâchant pas la main de sa petite fille ». Irène<br />

était au bord des larmes mais, heureusement, nous étions arrivés. Elle a eu encore le<br />

temps de demander :<br />

– Monsieur Delmas, comment elle s’appelle, déjà, la petite ?<br />

Le patron n’a pas répondu.<br />

Quant à moi, j’a<strong>vais</strong> vécu cette journée comme un véritable pensum, une<br />

épreuve, et pas seulement parce que la cérémonie avait été interminable. Ne pensez<br />

surtout pas que <strong>je</strong> sois un être insensible, mais mettez-vous à ma place, <strong>je</strong> ne suis<br />

pas un monstre quand même ! J’ai été touché moi aussi par l’émotion de cette<br />

famille et de tous ces amis qui l’entouraient. <strong>Ce</strong>rtes, c’est le gamin qui s’est <strong>je</strong>té sur<br />

ma voiture, mais <strong>je</strong> n’ai pas pu m’empêcher de me sentir un peu responsable de tant<br />

de tristesse. Toute cette histoire, c’est vraiment la faute à pas de chance et il a fallu<br />

que ça tombe sur mon dos.<br />

En m’approchant d’eux, j’ai eu du mal à retenir des larmes, et il ne m’a pas été<br />

facile de prendre Rodriguez dans mes bras et de lui souffler :<br />

– On est tous avec toi, Antonio. Courage, mon vieux.<br />

Je l’ai même regardé dans les yeux et j’ai été effrayé de les voir si rouges. J’ai<br />

aussi embrassé sa petite puis, pris dans mon élan, sa pauvre femme et ses parents.<br />

Après tout, c’était parce que le gamin avait heurté ma voiture que nous étions là.<br />

Quelle déveine pour nous tous ! Les minibus sont arrivés peu après.<br />

– Dites-leur de rentrer chez eux, m’a dit M. Delmas. La journée est foutue. Alors,<br />

foutu pour foutu, autant fermer. Vous pouvez aussi rentrer chez vous, Jean-Pierre.<br />

J’ai répondu que j’a<strong>vais</strong> du travail en retard et <strong>je</strong> l’ai suivi. Les gars ont apprécié<br />

que le patron les libère. Grâce à de petites attentions comme celle-là, il sait se faire<br />

apprécier. C’est vrai que <strong>je</strong> les entends rarement dire du mal de lui. Sauf hier,<br />

lorsqu’ils ont appris de la bouche d’Irène que M. Delmas n’avait donné que dix<br />

euros pour la gerbe de fleurs. Pour tout dire, le boss ne s’est pas foulé : il a donné<br />

autant que moi. Et franchement, comme les gars, <strong>je</strong> n’ai pas trouvé ça très classe.<br />

M. Delmas m’a déçu pour la première fois en dix ans de boîte.<br />

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