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penser à cet homme qui est en prison. Il faut que nous en parlions.<br />
Je laisse passer quelques secondes de silence et j’ajoute :<br />
– Un innocent est en prison à ta place, mon chéri.<br />
« Mon chéri ». Je me suis fait violence pour l’appeler ainsi. J’ai prononcé ces<br />
mots auxquels <strong>je</strong> ne crois plus, mes yeux, pleins de compassion, plantés dans les<br />
siens.<br />
– Tu divagues complètement, ma pauvre fille ! Comment tu peux penser une<br />
chose pareille ? T’es tarée !<br />
Je renifle, il croit que <strong>je</strong> pleure.<br />
– Et tu chiales maintenant ! Il va falloir te faire soigner. Tu réalises, j’espère, de<br />
quoi tu m’accuses !<br />
– Je sais, Jean-Pierre, <strong>je</strong> sais. Mais <strong>je</strong> ne peux pas garder ça pour moi.<br />
<strong>Ce</strong>tte fois, <strong>je</strong> pleure vraiment, c’est si facile. Mais mes larmes ne l’atteignent pas.<br />
– N’importe quoi, t’es vraiment tarée !<br />
Il change soudain de tactique et tente de me prendre dans ses bras. Je me laisse<br />
faire.<br />
– <strong>Ce</strong> n’est pas moi, tu entends, ce n’est pas moi. Je ne veux plus qu’on en parle.<br />
Compris ? dit-il d’une voix qui vacille.<br />
Je sais parfaitement que <strong>je</strong> pourrais l’anéantir cette nuit. Mais, en vérité, <strong>je</strong> veux<br />
seulement sentir sa peur, sa peur de moi. Pour l’instant, <strong>je</strong> ne veux pas qu’il<br />
s’effondre, <strong>je</strong> choisis donc de sangloter. Finalement, c’est facile de pleurer, <strong>je</strong><br />
poursuis entre deux larmes :<br />
– J’a<strong>vais</strong> besoin de te le dire, c’est tout. Je ne trahirai jamais rien, tu peux<br />
compter sur moi. Mais, ce <strong>soir</strong>, il fallait que ça sorte, dis-<strong>je</strong> en le regardant dans les<br />
yeux.<br />
Il s’est radouci et parle à voix basse :<br />
– Arrête de raconter n’importe quoi, ma chérie. C’est ridicule.<br />
– Jure-moi, sur la tête des enfants, que tu n’as rien fait.<br />
Il n’hésite pas, prend mes mains et plastronne :<br />
– Je le jure, aucun problème. Ça va maintenant ?<br />
– Sur la tête de nos enfants ! dis-<strong>je</strong> avec insistance.<br />
Je vois qu’il hésite, mais il finit par dire :<br />
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