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Ce soir je vais tuer l'assassin - Jacques Expert

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Sylvia<br />

<strong>Ce</strong> <strong>soir</strong>, j’ai agi comme si <strong>je</strong> ne sa<strong>vais</strong> pas, et j’ai caressé la main de l’homme de<br />

ma vie en passant à sa hauteur, dans le salon. J’ai dit : « Bonne nuit, Antonio, à<br />

demain. » Il a simplement répondu : « Bonne nuit, mon amour », et j’ai pris le<br />

couloir de notre chambre. Je ne voulais pas qu’il devine mon angoisse et j’ai agi<br />

comme d’habitude. J’ai fait couler l’eau dans le lavabo de la salle de bains et pris la<br />

boîte dans l’armoire à pharmacie en faisant grincer le tiroir. J’ai encore attendu<br />

quelques secondes, puis j’ai gagné notre chambre à pas feutrés et j’ai éteint. Tous<br />

ces petits bruits accompagnent mon coucher, et Antonio les connaît bien pour les<br />

entendre <strong>soir</strong> après <strong>soir</strong>. Je les ai donc accomplis, car <strong>je</strong> veux qu’il croie que j’ai pris<br />

mes cachets pour dormir, comme chaque <strong>soir</strong> depuis bientôt un an. Sans eux, <strong>je</strong> ne<br />

trouverais pas le sommeil. Je sais que des cauchemars douloureux, peuplés de<br />

l’image de mon enfant mort, m’attendent. Mais, aujourd’hui, <strong>je</strong> n’ai rien voulu<br />

prendre. Comment l’aurais-<strong>je</strong> pu sachant ce qui va se passer cette nuit ?<br />

Dans la chambre plongée dans le noir, j’écoute et j’attends. Surtout, <strong>je</strong> tente de<br />

répondre à cette question qui m’obsède depuis plusieurs semaines, chaque fois que<br />

j’y pense, une terrible boule d’angoisse m’empêche presque de respirer. Demay estil<br />

le véritable <strong>assassin</strong> de mon fils ? Mon Antonio, qui m’a promis de venger la mort<br />

de notre petit, va-t-il <strong>tuer</strong> un innocent ? Faut-il que <strong>je</strong> me lève, là, maintenant, et que<br />

<strong>je</strong> le supplie de tout arrêter ? Je connais sa détermination, <strong>je</strong> vois ses certitudes. J’ai<br />

peur qu’il ne m’écoute pas, que ce soit trop tard, <strong>je</strong> ne sais même plus si <strong>je</strong> désire<br />

autant qu’aux premiers jours que la mort de mon fils soit vengée. Je suis fatiguée de<br />

ne penser qu’à ça. Il est bien là, mon drame, car <strong>je</strong> ne veux plus y penser alors<br />

qu’Antonio n’a qu’une idée en tête : nous venger. Il ne trouvera la paix qu’à ce prix,<br />

tandis que moi, qui lui ai demandé la tête de l’<strong>assassin</strong> de notre fils, <strong>je</strong> n’en ai plus<br />

besoin.<br />

Tout à l’heure, son téléphone a sonné. Il a parlé si bas que <strong>je</strong> n’ai rien entendu.<br />

Qui a bien pu l’appeler si tard ?<br />

Il est un peu plus de minuit quand j’entends Antonio éteindre la télévision.<br />

Chaque petit bruit, le moindre déplacement m’indique où il se trouve : dans le salon<br />

où il se racle la gorge, puis dans la cuisine pour se verser un verre d’eau et refermer<br />

doucement la porte du réfrigérateur. À présent, il est dans l’entrée où il enfile sa<br />

parka. La porte du placard grince un peu, il attrape le fusil et <strong>je</strong> l’entends le poser le<br />

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