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et demi d’alcool dans le sang. L’individu a été conduit ici et les choses se sont<br />
accélérées.<br />
J’ose demander s’ils sont certains de tenir l’<strong>assassin</strong> de notre fils. Le<br />
commandant s’étonne à peine de ma question. Il sourit, content de lui, et pointe<br />
encore le doigt sur la déposition.<br />
– Il n’y a aucun doute, monsieur et madame Rodriguez. Demay est passé aux<br />
aveux dans la <strong>soir</strong>ée et il les a signés à 1 h 25. Je ne vous dis pas qu’il ne s’est pas<br />
fait un peu tirer l’oreille, mais sa voiture porte les traces d’une collision à l’avant<br />
droit et le rétroviseur droit est arraché. Il a d’abord été incapable de s’expliquer, ce<br />
qui a mis la puce à l’oreille de l’adjudant Tramont. J’ai aussitôt été informé et<br />
Demay a rapidement reconnu les faits. L’adjudant a eu du flair. C’est pourtant un<br />
tout <strong>je</strong>une gars, mais plein d’avenir ! À l’occasion, <strong>je</strong> vous le présenterai.<br />
Sylvia serre ma main avec tant de force que <strong>je</strong> laisse échapper un petit cri qui fait<br />
relever la tête au commandant.<br />
– Vous voulez que <strong>je</strong> continue ? demande-t-il.<br />
– Oui, oui, <strong>je</strong> vous en prie, répond Sylvia.<br />
Peyrot poursuit la lecture de la déposition :<br />
– « Je rentrais chez moi, le mercredi 26 mars. J’a<strong>vais</strong> un peu bu avec des copains<br />
au café Le Balto, 9 avenue Coluche à Noisy-le-Roi. J’ai entendu un choc à l’avant<br />
mais <strong>je</strong> n’ai rien vu et j’ai poursuivi ma route. J’affirme que <strong>je</strong> ne sa<strong>vais</strong> pas que<br />
j’a<strong>vais</strong> renversé un gamin à vélo. <strong>Ce</strong> n’est que le lendemain matin que j’ai vu des<br />
traces sur mon véhicule, une Renault Clio de couleur verte. J’ajoute que <strong>je</strong> n’ai<br />
jamais fait le lien avec l’accident du petit Victor Rodriguez, et que <strong>je</strong> n’ai pas<br />
cherché à dissimuler les traces de l’accident. Jusqu’à ce jour, <strong>je</strong> ne sa<strong>vais</strong> pas que<br />
j’en étais l’auteur. »<br />
Ainsi, l’<strong>assassin</strong>at de mon fils se résume à ça : un ivrogne qui ne s’est même pas<br />
aperçu qu’il avait renversé un enfant à vélo. Je ne peux m’empêcher de demander :<br />
– C’est tout ?<br />
– Oui, monsieur Rodriguez. Mais nous disposons d’aveux circonstanciés et de<br />
marques irréfutables sur le véhicule en question. C’est bien notre homme. Je vous le<br />
répète : il n’y a aucun doute sur ce point.<br />
Le commandant laisse échapper un sourire de contentement et guette notre<br />
approbation, attend nos félicitations. Je n’arrive pas à réaliser que la mort de mon<br />
fils est racontée là, dans ces trois pages dactylographiées. Une affaire réglée,<br />
presque banale. Mon enfant était au mau<strong>vais</strong> endroit, au mau<strong>vais</strong> moment.<br />
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