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Il n’est pas encore déstabilisé.<br />
– Je t’ai déjà dit que <strong>je</strong> ne sa<strong>vais</strong> pas. J’ai trouvé la voiture comme ça. C’est<br />
même toi qui les as vues la première. Qu’est-ce que <strong>je</strong> peux y faire ? Je ne <strong>vais</strong><br />
quand même pas me foutre par la fenêtre pour trois malheureuses rayures ?<br />
Sa voix tremble, <strong>je</strong> ne sais si c’est d’agacement ou de peur.<br />
– C’est bizarre, dis-<strong>je</strong>.<br />
– Je ne vois pas ce qu’il y a de bizarre.<br />
– C’est bizarre, ton attitude, et ton obstination à ne pas prévenir l’assurance, c’est<br />
bizarre. C’est tout. J’ai le droit de dire ce que <strong>je</strong> pense, non ?<br />
– Je te répète pour la dernière fois que j’ai oublié. Point final.<br />
– Non, pas « point final ».<br />
Je le tiens et <strong>je</strong> n’ai pas envie de le lâcher.<br />
– Dis-moi ce qui s’est passé.<br />
Il soupire, ferme les yeux, comme pris au piège.<br />
– Rien... rien...<br />
Il a répondu comme en apnée, mais <strong>je</strong> ne veux pas qu’il craque ce <strong>soir</strong>. Je<br />
conserve mon secret comme un trésor. Il suffirait pourtant que <strong>je</strong> dise maintenant :<br />
« <strong>Ce</strong> sont des traces rouges, comme le vélo du petit Rodriguez », pour qu’il<br />
s’effondre. J’ai obtenu ce que <strong>je</strong> voulais : le sentir vaciller. Je choisis d’abandonner.<br />
– Les <strong>Expert</strong>s vont commencer sur la Une.<br />
Il saisit sa chance :<br />
– <strong>Ce</strong> sont les <strong>Expert</strong>s d’où, déjà ?<br />
– Manhattan, chéri. Les <strong>Expert</strong>s : Manhattan.<br />
Il y a si longtemps que <strong>je</strong> ne l’ai pas appelé « chéri » que j’en souris. Et j’ajoute,<br />
dans une pirouette :<br />
– À propos d’experts, n’oublie pas ceux de l’assurance demain !<br />
Il se lève rapidement pour rejoindre son fauteuil. Comme un refuge. J’adore cette<br />
série et, ce <strong>soir</strong>, <strong>je</strong> n’ai pas envie de rater le début. Je suis seulement satisfaite de<br />
tenir le sort de cet homme, mon époux depuis onze ans, entre mes mains. Pour le<br />
moment, <strong>je</strong> m’amuse de le voir trembler à l’idée de faire cette déclaration à<br />
l’assurance, mais, pour être franche, peu m’importe qu’il la fasse maintenant ou,<br />
comme il l’a décidé, au retour des vacances. Je le méprise tellement que j’ai décidé<br />
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