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et muet face à lui. Il est incapable de se tourner vers Sylvia, qui frappe de toutes ses<br />
forces la vitre du plat de la main.<br />
– Regarde-moi, ordure. Regarde celle à qui tu as pris un enfant.<br />
Le lieutenant Favier, celui qui le premier m’avait annoncé la mort de Victor, la<br />
saisit par le bras. Elle se dégage, s’écarte et me dit :<br />
– Allons-nous-en, maintenant.<br />
Sylvia s’engage dans l’escalier, nous entraînant dans son sillage. Le commandant<br />
Peyrot paraît soulagé. Il savait que l’épreuve serait rude, et peut-être attend-il à<br />
présent que nous le remerciions pour le résultat obtenu. En haut des marches, il<br />
nous retient encore :<br />
– Le temps est souvent notre meilleur allié dans ce genre d’affaire. Je sais que<br />
vous avez douté, et c’était bien normal. Mais <strong>je</strong> tiens à ce que vous sachiez qu’ici<br />
nous n’avons jamais laissé tomber. <strong>Ce</strong>tte affaire nous tenait vraiment à cœur,<br />
croyez-moi. <strong>Ce</strong> n’est pas un cas résolu de plus, c’est la justice, monsieur et madame<br />
Rodriguez, la justice !<br />
En vérité, <strong>je</strong> ne le crois pas, mais comment ne pas les remercier maintenant, lui et<br />
ses hommes qui viennent l’un après l’autre nous saluer, un sourire aux lèvres que <strong>je</strong><br />
ne peux m’empêcher de trouver indécent ? Pour eux, « l’affaire Victor Rodriguez »<br />
est désormais terminée. On sent qu’ils sont heureux pour nous d’avoir enfin abouti,<br />
mais le contentement de ces hommes m’est insupportable. Pourtant, comment ne<br />
pas les remercier tous cordialement, ils n’en attendaient pas moins de moi, ce matin.<br />
Alors qu’il n’y a en moi que du désespoir, et un profond abattement.<br />
Soudain, Sylvia s’échappe et s’élance en direction des marches. Le commandant<br />
Peyrot tente de la retenir mais elle le repousse. Déterminée, elle se précipite dans<br />
l’escalier et nous surprend, moi le premier.<br />
– Madame Rodriguez, revenez ! crie en vain le commandant.<br />
Je la vois s’approcher de Demay. Seuls les quelques centimètres de la porte vitrée<br />
les séparent. L’homme est toujours debout, les deux mains appuyées contre la vitre,<br />
la tête baissée. J’entends Sylvia s’adresser à lui sans parvenir à saisir ses mots, puis<br />
elle recule et crache de toutes ses forces en direction du visage de l’<strong>assassin</strong> de<br />
notre fils. Elle accomplit ce que <strong>je</strong> n’ai pas osé faire tout à l’heure. Demay n’a pas<br />
bronché, comme s’il n’avait rien vu ni entendu, indifférent au crachat qui s’écoule<br />
lentement le long de la vitre. <strong>Ce</strong> monstre a-t-il seulement compris ce qu’elle lui a<br />
murmuré, les yeux dans les yeux ?<br />
Sylvia me rejoint, prend ma main et me dit :<br />
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