26.03.2018 Views

Ce soir je vais tuer l'assassin - Jacques Expert

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

– N’approchez pas, m’a-t-il demandé fermement. Nous devons recueillir des<br />

indices.<br />

Je lui ai obéi, renonçant à me précipiter vers le corps de mon enfant. Il m’a pris<br />

par le bras et m’a immédiatement informé que mon fils avait été renversé par une<br />

voiture et que le chauffard s’était enfui en l’abandonnant dans ce champ. Je me suis<br />

réfugié dans ma voiture. Je les ai regardés installer un périmètre de sécurité tandis<br />

que d’autres ramassaient <strong>je</strong> ne sais quoi dans l’herbe.<br />

Combien de fois cette nuit-là étais-<strong>je</strong> passé ici sans rien voir ? Mon téléphone<br />

sonnait mais <strong>je</strong> ne parvenais pas à répondre. J’a<strong>vais</strong> fini par l’éteindre, <strong>je</strong> sa<strong>vais</strong> que<br />

seule Sylvia pouvait m’appeler avec autant d’insistance. Impossible de lui parler<br />

maintenant, <strong>je</strong> n’aurais pas su comment lui dire qu’on venait de retrouver Victor.<br />

Victor dont le nom rimait avec mort. Je n’arri<strong>vais</strong> pas à me sortir cette idée de la<br />

tête : « Victor rime avec mort. » J’ai bêtement pensé aussi que <strong>je</strong> n’irais pas<br />

travailler ce jour-là, que, chez Gaboriaud, ils allaient se demander ce que <strong>je</strong> foutais,<br />

car en huit ans de boîte <strong>je</strong> n’étais jamais arrivé en retard. Le <strong>je</strong>udi est le jour où il y<br />

a le plus de boulot aux « expés ». Faut être con pour penser à des choses pareilles à<br />

ce moment-là ! Je me dis aujourd’hui que c’était pour ne pas croire ce que j’étais en<br />

train de vivre. Ne pas voir l’ambulance des pompiers ; oublier que l’on mettait le<br />

cadavre de mon fils dans un sac noir, si grand pour lui que j’ai vu son corps glisser<br />

dedans quand deux pompiers l’ont attrapé ; ne pas regarder la bicyclette rouge que<br />

nous lui avions offerte à Noël, déjà rangée à l’arrière d’une fourgonnette aux portes<br />

ouvertes. Et cette question qui me poursuit toujours : « Comment Sylvia a-t-elle pu<br />

le laisser sortir seul, hier <strong>soir</strong> ? » L’ambulance s’était éloignée dans un bruit<br />

assourdissant. J’aurais voulu la suivre, mais celui qui m’avait dit que mon petit était<br />

mort s’est assis à mes côtés. Je me suis tourné vers lui, peut-être espérais-<strong>je</strong> encore<br />

qu’il allait me dire que Victor pouvait être sauvé. Il tenait sa casquette à la main et<br />

j’ai remarqué la trace bien rectiligne qu’elle avait laissée dans ses cheveux coupés<br />

court.<br />

– Monsieur Rodriguez, votre fils est décédé à la suite de ses blessures. Vous<br />

pouvez être certain, avait-il poursuivi avec la même froideur, que nous allons tout<br />

mettre en œuvre pour retrouver celui qui a fait ça. Son auteur ne restera pas impuni.<br />

J’a<strong>vais</strong> seulement pu répondre :<br />

– Il est mort, vous êtes sûr ?<br />

– Oui, monsieur Rodriguez. Quand les secours sont arrivés sur les lieux, votre fils<br />

était déjà mort.<br />

Et alors, pour la première fois, j’a<strong>vais</strong> enfin pleuré, la tête sur le volant. Jusque-là<br />

34

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!