Ce soir je vais tuer l'assassin - Jacques Expert

Comment a-t-il pu se faire avoir aussi facilement ?
Je me lève, car j’ai soif. Du haut des marches, j’aperçois Jean-Pierre assoupi, la
bouteille est à moitié vide. Demain, qu’il ne vienne pas se plaindre d’avoir mal au
crâne ! Moi aussi j’ai beaucoup bu ce soir, j’en ai conscience, mais il y a des mois
que je ne me suis pas sentie aussi bien, aussi sûre de moi.
Je descends en essayant de ne pas faire craquer les marches. J’ai souvent répété à
Jean-Pierre de faire quelque chose, d’appeler le type de chez Lapeyre, mais, comme
d’habitude, il n’a rien fait. Minable, va ! À chaque marche que je descends, cet
homme me dégoûte de plus en plus. Ma résolution est prise : je vais m’en
débarrasser, moi, de cette ordure. De ce tueur de gosse.
Je termine son verre, j’attrape son portable posé sur la table, et je vais dans sa
messagerie. Ce soir, il n’a passé qu’un seul appel, à Rodriguez, à 22 h 37. Dans le
répertoire, je trouve le numéro de Rodriguez. Je m’isole dans la cuisine et je
compose son numéro en priant qu’il ne soit pas trop tard. Je sais ce que je vais lui
dire, car il ne faut surtout pas qu’il se trompe d’adresse ce soir.
Je vais lui révéler le nom du salopard qui a tué son fils.
Ensuite, je m’enfilerai une gorgée de whisky à même la bouteille, je laisserai
ouverte la porte d’entrée et je remonterai. J’ai tellement envie de jouir, encore et
encore. Tandis que retentit à mes oreilles la première sonnerie, je pense : « Que tu
as été con, mon chéri, tu n’aurais jamais dû me confier le secret de ton Portugais... »
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