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Ce soir je vais tuer l'assassin - Jacques Expert

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– C’est ça ?<br />

Il y a tant de mépris et de haine dans l’interrogation de Sylvia. « Ça » veut dire<br />

cette merde qui s’est pissé dessus et a dégueulé dans un coin de la cellule. « Ça »,<br />

c’est cette saloperie qui garde les yeux baissés quand Sylvia hurle à travers la porte<br />

vitrée : « Regarde-moi, salopard, ordure, sous-homme. » « Ça », c’est cette forme<br />

tassée, recroquevillée sur elle-même et qui soudain se met à trembler. C’est donc<br />

« ça » qui a détruit mon bonheur paisible, cet homme vêtu d’un pull à col roulé noir<br />

et d’un pantalon de velours rouge pâle. D’où <strong>je</strong> suis, un peu en retrait de Sylvia qui<br />

s’est précipitée la première dans le sous-sol de la gendarmerie, <strong>je</strong> ne vois d’abord<br />

que sa tignasse blonde. Il tient sa tête entre ses mains aux ongles sales et trop longs.<br />

Le commandant ne peut s’empêcher d’intervenir :<br />

– Je vous a<strong>vais</strong> prévenus, il n’est pas beau à voir.<br />

Puis, comme s’il réalisait qu’il nous devait bien cela, il ordonne :<br />

– Demay, levez-vous devant les parents de l’enfant que vous avez tué.<br />

Comportez-vous en homme, Demay. Et cette fois, ne fuyez pas.<br />

L’homme hoche seulement la tête, comme pour signifier qu’il est déjà vaincu,<br />

que le peu qui le tenait en vie est foutu. Il n’est plus qu’une loque, un déchet. Il a<br />

abandonné toute dignité.<br />

Le commandant Peyrot, toujours aussi raide, nous désigne avec autorité :<br />

– <strong>Ce</strong>s gens ont le droit de vous regarder les yeux dans les yeux. Relevez-vous,<br />

Demay !<br />

<strong>Ce</strong>lui qui a tué mon fils déplie sa longue carcasse maigre. Je ne vois d’abord que<br />

son visage, ravagé de fatigue et de honte, ses yeux in<strong>je</strong>ctés de sang d’où coulent des<br />

larmes. Je n’ai que faire de sa souffrance, de ses remords. Ses larmes me dégoûtent.<br />

<strong>Ce</strong> n’est qu’un lâche qui pleure sur son sort. Je ne veux pas de ses excuses qui<br />

sortent du bout de ses lèvres gercées.<br />

– Pardonnez-moi, madame et monsieur, <strong>je</strong> ne l’ai pas fait exprès.<br />

– Salaud, crache Sylvia.<br />

– Pardon, pardon.<br />

<strong>Ce</strong> sont les seuls mots que parvient à murmurer l’<strong>assassin</strong> de mon fils.<br />

Il ne regarde que moi, comme si le pardon ne pouvait venir que du père immobile<br />

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