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Ce soir je vais tuer l'assassin - Jacques Expert

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TROISIÈME PARTIE<br />

22 février, 0 h 48<br />

Antonio Rodriguez ouvre le coffre, attrape l’étui, sort l’arme et glisse les deux<br />

cartouches dans le canon. <strong>Ce</strong> fusil, il le tient de son père. Autrefois, ils allaient<br />

chasser ensemble dans les bois derrière le village, là où, aujourd’hui, il n’y a que<br />

des lotissements en construction.<br />

<strong>Ce</strong>la fait belle lurette qu’il ne va plus à la chasse. Le gibier a disparu. Mais il a<br />

retrouvé l’arme dans la cave, l’a nettoyée et a vérifié qu’elle fonctionnait toujours.<br />

Un après-midi, il s’est enfoncé dans la forêt de Rambouillet et il a tiré dans un arbre<br />

à hauteur d’homme, dans le ventre. L’écorce a éclaté, laissant un impact de<br />

plusieurs centimètres dans le bois tendre. Il sait maintenant qu’un seul coup suffira.<br />

Il s’est garé en marche arrière, serré contre une fourgonnette, prêt à partir. Les<br />

immeubles autour de lui sont plongés dans l’obscurité, il n’y a pas une seule fenêtre<br />

allumée, et les rares lampadaires encore en état de marche renvoient une lueur<br />

jaunâtre. Il laisse les clefs sur le contact et sort, l’arme à la main. Si quelqu’un<br />

l’apercevait maintenant, il comprendrait et appellerait la police, mais la cité est<br />

silencieuse, endormie.<br />

Demay habite au troisième étage. Antonio aperçoit la fenêtre de la chambre, où<br />

les volets de métal ont été tirés, aucune lumière ne filtre de l’appartement. Il dort,<br />

sans doute, abruti de vinasse et de mau<strong>vais</strong>es clopes. Pour avoir traîné tant de fois<br />

sur ce parking, Rodriguez a tout appris de sa vie, une vie vite résumée : le chômage<br />

qui le cloue toute la journée chez lui, le café où il ne peut plus aller se soûler. On<br />

n’aime pas les tueurs d’enfants et on lui a clairement fait comprendre qu’on ne<br />

voulait pas le voir. Il passe donc ses journées enfermé dans son trois-pièces, à<br />

picoler et à se plaindre de son sort. Ses voisins ne lui parlent plus et se demandent<br />

comment sa concubine, une rousse d’une quarantaine d’années, encombrée de<br />

quatre gosses dont les deux plus petits ont été placés dans des familles d’accueil,<br />

arrive à vivre avec un salopard pareil. C’est elle qui rapporte les bouteilles de bière<br />

et de vin, et les voisins, qui ont compris pourquoi ces deux poivrots restent<br />

ensemble, guettent une dispute violente pour prévenir les flics et se débarrasser de<br />

ce fumier. Un lâche qui n’a pas eu le courage de s’arrêter après avoir renversé le<br />

gamin. Mais ils n’entendent que les bouteilles vides <strong>je</strong>tées une à une dans le videordures,<br />

jusque tard dans la nuit.<br />

Demay a été libéré au bout de deux mois de préventive. Il a beau clamer à présent<br />

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