Ce soir je vais tuer l'assassin - Jacques Expert

J’éprouve un profond sentiment d’injustice. J’aurais voulu tomber sur un vrai
salaud, sur Boulard, et ce n’est qu’un pauvre type.
– Soyez rassurés, monsieur et madame Rodriguez, il ne va pas s’en tirer comme
ça. Il va être présenté au juge dans la journée, et il sera inculpé de délit de fuite. Ne
vous inquiétez pas, il va salement payer.
Sylvia lâche ma main et sort de son silence :
– Je veux le voir.
– Vous y tenez vraiment ?
Je sens qu’il est à deux doigts d’ajouter : « Ça ne vous rendra pas votre enfant. »
Elle prononce avant moi un « oui » si puissant que le commandant poursuit d’une
voix douce, amicale :
– Si vous y tenez, mais il n’est pas beau à voir, le pauvre bougre.
Sylvia explose :
– Comment pouvez-vous parler de « pauvre bougre » à propos de l’assassin de
mon fils ! C’est insupportable ! Je vous interdis de dire que c’est un pauvre bougre.
C’est un assassin, commandant ! L’assassin de mon fils. Et j’ai le droit de le voir.
– Excusez-moi, madame Rodriguez. Je voulais seulement dire qu’il n’était pas
beau à voir. Mais suivez-moi.
« Par pitié, commandant, ne nous dites surtout pas qu’il regrette son geste et qu’il
a pleuré toute la nuit. Sylvia ne le supporterait pas. Vous ne savez pas, commandant
Peyrot, que je lui ai promis de tuer l’assassin de notre fils. Et pour moi aussi, il ne
sera jamais un “pauvre bougre”, sinon comment pourrai-je tenir la promesse que
j’ai faite à ma femme ? »
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