Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Les bâtiments de la cité « Les Coteaux » sont tous les mêmes, avec leurs<br />
appartements pour besogneux. Pour rien au monde, <strong>je</strong> n’aimerais vivre ici. La<br />
promiscuité, ce n’est pas mon truc. Ça ne doit pas coûter bien cher, un logement<br />
dans ce trou.<br />
– Nous sommes locataires, a précisé Rodriguez sans que j’aie eu besoin de lui<br />
demander.<br />
– Vous payez combien ?<br />
– 452 euros par mois. Nous sommes là depuis dix ans, nous nous sommes<br />
installés un peu après la naissance de Victor.<br />
Je me suis garé sur le trottoir tandis qu’il ajoutait :<br />
– Victor, c’était le prénom de mon fils qui est mort.<br />
– Je sais, j’étais aux obsèques avec M. Delmas.<br />
– Vous y étiez aussi ? Pardonnez-moi, <strong>je</strong> ne m’en souviens pas. Il a été très gentil<br />
avec moi, M. Delmas, comme tout le monde à la boîte, d’ailleurs.<br />
– L’accident de votre fils nous a tous beaucoup touchés, vous savez.<br />
– Je le sais. Mais ce n’est pas un accident, monsieur Boulard, c’est un <strong>assassin</strong>at.<br />
Mon fils a été tué par un salopard qui s’est enfui.<br />
– Oui, c’est affreux.<br />
– Non, monsieur Boulard, ce n’est pas seulement affreux, c’est dégueulasse.<br />
Il m’a fixé intensément mais j’ai réussi à soutenir son regard. J’ai posé ma main<br />
sur sa cuisse et j’ai dit :<br />
– Vous avez raison, c’est vraiment dégueulasse. Courage, Antonio.<br />
Je ne me suis pas trouvé très convaincant sur ce coup-là, mais, par chance, il a<br />
continué, sans percevoir mon trouble :<br />
– Merci, monsieur Boulard. Vous voulez monter ? Un petit porto ne nous ferait<br />
pas de mal, avec ce froid.<br />
– C’est gentil, mais ma femme m’attend et elle est très à cheval sur les horaires.<br />
– Vous filez droit à la maison, monsieur Boulard ! a-t-il plaisanté en souriant.<br />
– Il le faut bien !<br />
– La mienne est aussi très à cheval, mais pas sur les horaires...<br />
Il a laissé la phrase en suspens et <strong>je</strong> n’ai pas pu m’empêcher de lui demander :<br />
60