Ce soir je vais tuer l'assassin - Jacques Expert

– Au lit, maintenant.
Je jette un coup d’œil sur l’horloge de cuivre qui nous vient de ma grand-mère et
que j’ai tenu à mettre dans le salon, malgré son tic-tac si bruyant que Jean-Pierre
arrête le balancier pour regarder la télé.
– Il est presque 9 h 30.
– Au lit, mes amours, confirme Jean-Pierre en reposant Amandine. Je viendrai
vous faire une bise tout à l’heure.
– Promis ? réclame Arthur.
– Promis. Foi de papa !
– De papa chéri ! renchérit Amandine.
Les gosses passent devant moi sans s’arrêter et je leur dis :
– N’oubliez pas d’éteindre.
Puis, je me dirige vers Jean-Pierre, bien décidée à l’affronter ce soir. Je tends la
joue, il y dépose un rapide baiser, mais j’ai eu le temps de le renifler. Comme je m’y
attendais, il sent l’alcool.
– Tu pues !
– Delmas m’a gardé. Tu sais bien comment il est, avec lui, il est impossible de
refuser.
– Tu aurais pu appeler, non ?
– Je l’ai fait mais ça sonnait tout le temps occupé. Regarde, il n’est pas raccroché.
Il a raison. Le combiné du téléphone est posé de côté. Un point pour lui, mais il
ne sait pas encore ce qui l’attend. Je vais le mettre à genoux. J’attrape son manteau.
Je ne sens pas d’odeur de salope, mais celle de l’alcool, et je demande :
– Vous avez beaucoup bu ?
– Quelques verres. Chacun a payé sa tournée. Nous n’étions que quatre, avec
Irène et Lassus, le chef des ventes dans le Sud-Est. Quatre pastis, ce n’est pas la
mort ! Tu ne vas pas me faire la gueule pour un petit apéro avec le patron. Je ne
pouvais quand même pas leur dire que ma femme exige que je sois à la maison
avant 8 heures, sous peine d’être privé de dessert !
– Tu te crois malin, ne puis-je m’empêcher de répliquer.
Soudain euphorique, il me défie.
– Le patron voulait fêter ça.
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