Ce soir je vais tuer l'assassin - Jacques Expert

Jean-Pierre Boulard
Je ne sais pas ce qui m’a pris de tout lui balancer à la tronche ce soir, de lui
confier le secret de Rodriguez. Peut-être parce que, pour ne pas changer, Christine
m’a tiré la gueule pour quelques minutes de retard. Elle m’a tellement agacé que je
n’ai pas pu me retenir. Cela a été plus fort que moi, et il a fallu que je la remette à sa
place.
Quand je suis arrivé, exactement à 20 h 02, je l’ai entendue dire :
– Allez, les enfants, commencez la salade de tomates. Votre père va encore être
en retard.
Kévin m’a défendu tant bien que mal :
– Il travaille trop, mon papa.
– L’heure, c’est l’heure, les enfants. Votre père ne respecte rien ! Un jour, il finira
bien par comprendre. Allez, on mange !
Elle m’avait pourtant entendu arriver, cette garce, mais elle a continué avec les
enfants comme si je n’étais pas là. Elle l’a fait exprès, j’en suis sûr. Depuis l’entrée,
j’ai crié :
– C’est papa !
J’ai entendu Kévin demander s’il fallait attendre papa avant de commencer, et
cette salope de Christine a répondu :
– Non, ça lui apprendra.
J’ai donc pris le temps de me mettre en jogging et, quand je suis entré dans la
cuisine, j’ai simplement demandé, sachant que ma question allait la mettre en
pétard :
– Vous ne m’avez pas attendu ?
– Non.
Voilà pourquoi, ce soir, j’ai eu envie de la faire chier. Pour ce « non », si lourd de
sous-entendus, de reproches et de menaces. Depuis des mois, elle pense me tenir
avec son inquisition permanente, ses remarques, ses allusions. J’en ai ma claque.
Attends un peu, ma petite, que Rodriguez soit passé à l’acte et tu ne feras pas long
feu. Bientôt je te laisserai tomber comme une vulgaire chaussette. En attendant,
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