La monnaie unique europeenne et sa relation au ... - Eumed.net

scientifiques. Ainsi la science, classiquement, distingue l’observateur, qui est
sujet, avec l’environnement, forcément objet. La mise à distance entre
l’objet et le sujet est un point de passage obligé de la démarche de tout
scientifique. Cela en fait aussi sa grandeur. Cela marque l’indépendance
d’esprit du chercheur scientifique. Ce passage obligé est un point commun à
toutes les sciences. Norbert ELIAS en a aussi parlé pour la sociologie, une
science humaine 1766 pourtant. Nous verrons tout de même ce que la
sociologie a d’original vis-à-vis des autres sciences : selon ELIAS, la
démarche de distanciation scientifique, en sociologie, est renforcée par celle
d’engagement dans son époque, dans sa société ! Il s’agit déjà d’une
nuance. Les « sciences de l’esprit », comme le disait DILTHEY, ne sont pas
les sciences de la nature ! Des religions, cependant, peuvent considérer
l’environnement comme « sujet ». Mais les religions qui ont nourri l’évolution
historique de l’Occident auraient au contraire une grande tolérance vis-à-vis
de cela. Le développement de la science en Occident, a, ainsi, sans doute été
rendu possible par une forme de compromis culturel. WEBER et les
sociologues ont bien montré cela en effet : l’étude du rôle des religions fut
un des premiers travaux de la naissante sociologie : WEBER étudie le rôle du
protestantisme, qui a contribué au désenchantement du monde, à la
rationalisation des activités ; DURKHEIM étudie le totémisme, « forme
primitive de religion ». La culture occidentale a sans doute pu considérer que
l’univers était réductible à un objet – Dieu est neutre par rapport à cela -,
l’homme est « maître d’ouvrage délégué » de Dieu, il va pouvoir s’approprier
la nature, devenir « maître et possesseur » de la nature (DESCARTES). C’est
lié à une idéologie du progrès historique 1767 . Chez les hindous et leur temps
cyclique 1768 , plus encore chez les animistes africains où tout est incertitude et
partant, menace, il ne peut en être ainsi. Notre argumentation va dans le
sens où les conditions du développement de la pensée scientifique telle qu’on
la comprend en Occident – la cause et la conséquence vécue est
l’autorisation ostensiblement affirmée de traiter l’environnement de l’homme
comme un objet alors que l’observateur est sujet, donc, plus respectable –
seraient liées, du moins implicitement, à l’existence d’un sens de l’histoire,
où « on obtient plus » en avançant dans le temps (une néo-théorie
matérialiste de l’histoire) 1769 . Mais il y bien plus, et bien plus précis, que cela,
pour spécifier ce qu’est « l’épistémologie positivo-réaliste » de la science, qui
est clairement l’épistémologie scientifique orthodoxe : l’hypothèse
ontologique, l’hypothèse déterministe, d’où découlent d’ailleurs : le principe
1766 N. ELIAS, « Engagement et distanciation. Contribution à la sociologie de la
connaissance », préface de Roger CHARTIER. Fayard, 1993.
1767 Nous y reviendrons, essayant de l’argumenter et de le démontrer.
1768 Cf. notre Préambule « Le combat entre vision linéaire et vision cyclique, et l’importance,
justement, desdits « cycles » ».
1769 Nous allons y revenir. On ne peut traiter toutes les questions à la fois, dans un tour
d’horizon épistémologique personnel qui se veut aussi exhaustif que possible, ne laissant, à
terme, aucun sujet psychologique ou scientifique dans l’ombre.
La monnaie unique européenne. européenne.
Tome IV Philippe Jourdon / 1602