La monnaie unique europeenne et sa relation au ... - Eumed.net

discours. Cela veut dire qu’il est dans le métier des gestionnaires de la
monnaie de gérer – souvent par défaut et c’est là que nous voulons en
venir – les incertitudes. De nombreux économistes depuis KEYNES ont
insisté sur le fait qu’une économie monétarisée, c’est avant tout une
économie où règne l’incertitude. La Banque Centrale se fixe des ratios qui
peuvent permettre éventuellement de « tenir » des situations structurelles
d’incertitudes. Elle a souvent à faire avec « l’ambiguïté constructive » et à
en jouer. Il faut lui laisser cette liberté qui a à voir avec la nature de la
monnaie. D’autre part, elle peut s’attacher à gérer la réputation de cette
monnaie, notamment un certain caractère de « neutralité » de la
monnaie. Sur ce point, tous les économistes étudiant la monnaie sont
d’accord : une part importante de leur travail est à proprement parler de
définir les conditions dans lesquelles la monnaie peut être considérée
comme neutre 1804 . Cela tient notamment au rôle que tient la souveraineté
de l’Etat – ou ici de l’Europe, c’est peut-être dans la monnaie et dans la
politique commerciale commune en effet, et demain aussi dans les droits
sociaux (Charte des Droits Fondamentaux) ou dans la Défense, que l’on
trouve les quelques domaines où l’on pourrait évoquer une « souveraineté
de l’Europe », quoique dans les deux derniers domaines il s’agirait plutôt
d’une souveraineté « partagée » avec les Etats nations, ou « déléguée »
par eux – vis-à-vis de la monnaie. Ceci pour dire qu’aujourd’hui, la
monnaie est à peine le seul domaine fédéral, dans un environnement
social et politique qui ne l’est pas ! Et cette réalité a un sens, qu’il est
intéressant d’analyser : ce à quoi on veut en venir. Nous sommes un peu
prisonniers aujourd’hui de « l’ambiguïté constructive de la monnaie » !
Pourquoi ? Jusqu’où ?
Tout d’abord, nous ne pouvons que dire que « l’indépendance » dont
nous avons parlé en précisant son sens concret, est une qualité dont nous
pourrions avoir besoin, car les Européens savent aujourd’hui à quelles
catastrophes peuvent mener les guerres monétaires et les « dévaluations
compétitives » en chaîne. L’Europe l’a expérimenté dans les années
trente, et c’est une des grandes raisons – négative celle là – pour
lesquelles ils en sont, ces dernières décennies, arrivés à se prononcer pour
la création de la monnaie unique. Il conviendrait donc, finalement, de
laisser les gestionnaires de la monnaie pouvoir gérer « l’ambiguïté
constructive de la monnaie ». Mais, s’ils gèrent le pouvoir qu’a la monnaie
sur le désir humain et sur les multiples liens de propriété que cette
monnaie permet de relayer, si ce domaine, à la frontière du droit, de
l’économie et de « la souveraineté de l’Europe », reste un peu mystérieux,
il faut que les hommes politiques puissent dire ce qu’ils ont à dire sur la
monnaie Européenne, tout en la respectant. Ce ne serait pas le rôle des
fonctionnaires de la Banque Centrale de gérer la relation, très forte dans
les esprits, entre le pouvoir d’influence de l’Europe, sa vision du monde et
la façon dont elle se projette dans ce monde, d’une part, et d’autre part la
caution – très forte – que peut apporter la monnaie commune et même
1804 C’est l’apport qu’avait très distinctement formulé HAYEK.
La monnaie unique européenne. européenne.
Tome IV Philippe Jourdon / 1997