Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

REVUE DE PRESSE-PRESS REVIEW-BERHEVOKA ÇAPÊ-RMSTA STAMPA-DENTRO DE LA PRENSA-BASIN ÖzETi
LE MONDE - 4 FEVRIER 1993
Irak : les effets pervers de l'embargo
En vigueur depuis deux ans et demi, le blocus coûte de plus en plus cher à la population
et entraîne le développement de la corruption et de la criminalité
BAGDAD
de notre envoylle spki81e
«Je n'accepte pas que les enjànts
meurent pour que Saddam Hussein
s'en aille. II y a quand même une
échelle des valeurs à respecter.»
Pour ce prêtre installé depuis guarante-cinq
ans en Irak, trop c est
trop, et les effets destructeurs de
l'emba!'J0 sur la société sont disproportIonnés
par rapport au but
recherché. Deux ans et demi après
son entrée en vigueur, l'embargo
n'a, en tout cas, pas fait plier le
régime, et ce sont, au contraire, les
Irakiens qui paient de plus en plus
cher les pénuries évidentes dues aux
sanctions imposées à Bagdad. Mois
après mois, en eITet, les magasins se
sont vidés, et si les produits de
première nécessité, les seuls autorisés
à l'importation, sont encore disponibles,
c'est à des prix prohibitifs
pour la majorité des Irakiens.
Si l'on ne meurt pas de faim,
c'est grâce au système de rationne.
ment mis en place par le gouvernement.
qui fournit quasi gratuitement,
- deux dinars J?8r mois. - à
chaque personne, environ 60 % de
ses besoins alimentaires, soit
notamment 9 kilos de farine,
2,750 kilos de riz, 1,5 kilo de sucre,
500 grammes d'huile, un peu de
thé, un savon, des détergents. L'indispensable
pour survivre, mais non
pour vivre. «La malnutrition
s'accroÎt et l'on voit des cas de rachitisme
et de marasme. maladies qui
avaient complètement disparu iCI»,
affirme le représentant de l'UNI-
CEF.
Non comprise dans les produits
rationnés - il faudrait l'importer,
pour en distribuer à tous, - la
viande, à 85 dinars le kilo, quand le
salaire moyen varie de 200 à
250 dinars, est devenue un produit
de luxe. Importés de France, des
poulets congelés s'étalent sur les
trottoirs de Dagdad à 45 dinars le
kilo. mais on n'ose imaginer l'état
de cette viande décongelée et recongelée
au gré de la vente.
Economie
de troc
Pourtant privilégié, avec un
revenu mensuel de 2 500 dinars, un
couple de professeurs avoue:
« Depuis deux mois, nOl/savons supprimé
la viande. Grâce à nos économies,
nous dépensons 5 000 dinars
par mois, à trois, et nous n 'y arrivons
pas. Il Vendu, avant la guerre
du Golfe, 0,15 dinar le kilo, le riz
en vaut maintenant 14, la moindre
pièce détachée de voiture I 000,
deux pneus 5 000. Et les prix ne
cessent d'au~menter en fonction de
la dépréciation du dinar. dont le
pouvoir d'achat est cent fois moindre.
qu'en 1990, alors que les
salaIres ont seulement doublé.
PI':!s grave enco,re, le manque de
médIcaments: Ilrak ne reçoit
~ujourd'hui, aide international~
!ncluse, que 10 % des quantités
Il!.'~ortées avant la guerre. «Les
hopllaux ne tOl/rnent qu'à 50 % de
'e,ur capacité », affirme le vice-ministre
de la santé le docteur
Chawky Sabri MorcoS. et «nos chi-
T//rgiens ne traitent ql/e l'I/rgenceII.
Pour cet agrégé d'épidémiologie
formé aux Pays-Das, c'est tout le
système de santé - l'un des meilleurs
du tiers-monde - qui est remis
en cause. «/70 000 personnes sont
mortes depuis le 2 août /990 des
effets directs ou indirects de l'embargo
», assure-toil. Ce chiITre, certaIns
représentants des organisations
humanitaires ne le contestent
pas. «La semaine dernière à Bassorah.
les opérations ont été reportées
par manque de gants chirurgicaux,
confie une infirmière étrangère. En
une journée, j'ai vu mourir un
médecin de cinquante-deux ans par
manque d'insuline et un bébé que
l'on n'afu réanimer, le respirateur
artijicie n'éJant plus en état de
marche.»
Coordinateur de l'aide humanitaire
de l'ONU en Irak, M. Richard
Foran affirme: «Amoins de progrès
dans l'assistance humanitaire, nous
courons au désastre. 250 millions de
dollars pour six mois, c'est inadéquat.
Dans le Sud, la faillite du
système sanitaire peut conduire à un
problème majeur. Il nous faut des
pompes à eau. des pièces de
rechange pour les ambulances et les
camions-citernes qui distribuent
l'eau potable et des médicaments
pour contrer les maladies qui se
développent. Il «Au Nord. ajoute-t-il,
80 % à 90 % de la populatIon active
est au chômage et les JO %. restant
touchent moins de dix dollars par
mois.»
Face à cette situation qui ne
cesse de s'agg~aver, le gou~erne:
ment semble dIsposer de moms en:.
moins de ressources et a pris un
certain nombre de mesures pour
assurer le minimum. Après l'assassinat,
au mois de juillet dernier, de
quarante-deux commerçants, accusés
d'avoir caché des stocks de
nourriture pour faire monter les
prix, un comité spécial a été instauré
qui, chaque semaine, fixe, en
fonction du cours du dinar par rapport
au dollar et des coûts de transport,
les prix ma~imaux de vente
de certains produits.
«Nous laissons 5 % de profit aux
grossistes et JO % aux détaillants »,
affirme le ministre du commerce,
M, Mohamed Medhi Saleh, qUI
insiste sur la «liberté laissée auX'
commerçants qui ne travailleraient
pas sans projits II. Depuis deux
mois. le gouvernement a, d'autre
part, mis en place une société
mixte, Etat-secteur privé, au capital
de 20 à JO milliards de dinars, qui
aura pour' mission d'importer les
prodUits de première nécessité pour
remplacer à terme les milliers de
commerçants, nouveaux riches de la
guerre, qui, au dire d'observateurs
étrangers, exploitent sans vergogne
la situation.
Pour l'instant, c'est par l'intermédiaire
de ces commerçants - disposant,
eux, de devises - que l'Etat, à
court de monnaies fortes, importe
en dinars les produits comme le thé
ou le sucre par exemple. «La
planche à billets, assure un économist.e,
fonctionne à plein régime.
alimentant le cercle vicieux de l'in-
}lation, qui fait que les riches sont
de plus en plus riches et les pauvres
de plus en plus pauvres.»
Depuis le très strict contrôle instauré
par la Jordanie sur le commerce
avec Bagdad, un système de
troc fonctionne avec la Turquie, les
Irakiens payant en pétrole, gaz et
fioul les marchandises transportées
par camions jusqu'à la «frontière»
de fait séparant le Kij,(distan de la
partie de l'Irak sous' éontrôle du
gouvernement central. Pour un pays
qui achetait à l'étranger, avant
1990, pour 20 milliards de dollars
de produits en tout genre, les
Quand M. Hussein
décore M. Arafat
En hommage au «peuple
palestinien qui s'est rangtl aux
c6ttls du peuple et de l'armtle
d'Irak ». le président irakien,
M. Saddam Hussein, a décoré,
mardi 2 février. de la médaille
de la «Mère de toutes les
batailles)l. le chef de l'OLP.
M. Vasser Arafat. qui effectuait
une visite de
quarante-huit heures en Irak. la
première depuis plus d'un an.
M. Arafat. selon l'agence
officielle irakienne INA. a
estimé que «ce qui a tlttl fait
par l'Irak dans le domaine de la
reconstruction relève du vtlritable
miracle». - (AFP.)
importations en 1992 se sont limitées,
selon le ministre du commerce,
«à /'équivalent de 300 mi/-
lions de dollars, dont 250 millions
pris sur des avoirs dégelés par certains
pays II.
Volonté
de survie
Le système de subventions alimentaires
est basé principalement
sur les produits locaux, grâce au
spectaculaire développement du secteur
agricole, priorité numéro un du
régime. «La récolte de blé et d'orge
a atteint, cette année,
2 300000 tonnes dont / 800000 ont
été remises au gouvernement, confie
un économiste; une quantité suffisante
dans le cadre du rationnement.»
Pour encourafer les fermiers,
l'Etat achète bon prix
(4000 dinars la tonne de blé) leur
production et les dispense de toute
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