Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris
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REVUE DE PRESSE-PRESS REVIEW-BERHEVOKA ÇAPÊ-RIVlSTA STAMPA-DENTRO<br />
DE LA PRENSA-BASIN ÖZETi<br />
KURDISTAN TURC<br />
Comment la Turquie mate<br />
la 2ge rébellion kur<strong>de</strong><br />
Tandis que leurs cousins d'Irak comptent les jours <strong>de</strong> sursis, les Kur<strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong> Turquie sont irrémédiablement entraÎnés dans une sale guerrè.<br />
Envoyé spécial: Alain Maillard<br />
Esref Yasar tient une p<strong>et</strong>ite épicerie<br />
sur une place centrale <strong>de</strong> Diyarbakir,<br />
la principale ville kur<strong>de</strong> au sud-est<br />
<strong>de</strong> la Turquie. Ce jeudi matin 14 janvier,<br />
alors qu'il emmène son jeune fils à l' école,<br />
à vélo, un taxi lui barre la route. Deux<br />
hommes s'approchent <strong>et</strong> lui tirent <strong>de</strong>ssus.<br />
Blessé, il parvient à riposter. Ses<br />
assaillants fuient sans avoir achevé leur<br />
sinistre besogne. EsrefYasar a <strong>de</strong> la chance.<br />
Trois ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> journaux ont déjà<br />
été tués après avoir été menacés <strong>de</strong> mort<br />
s'ils continuaient à vendre <strong>de</strong>s publications<br />
pro-kur<strong>de</strong>s. Lui-même, à en croire<br />
ses proches, a été menacé par le commissaire<br />
K. E, avant que son magasin ne<br />
brûle une nuit. C'est alors qu'il s'est mis<br />
à porter une arme.<br />
Sale, endémique <strong>et</strong> méconnue, la guerre<br />
était jusque-là essentiellement cantonnée<br />
aux montagnes, où le PKK (voir<br />
encadré) frappe quotidiennement, où<br />
l'armée turque évacue <strong>de</strong> force, avant <strong>de</strong><br />
les incendier, les villages soupçonnés <strong>de</strong><br />
collaborer avec les «terroristes».<br />
Elle est désormais entrée dans les<br />
villes. Des centaines <strong>de</strong> civils kur<strong>de</strong>s,<br />
politiciens, militants <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> I'homme,<br />
journalistes, se font assassiner selon<br />
un schéma d'une simplicité brutale: un<br />
homme s'approche par l'arrière, tire dans<br />
la tête <strong>et</strong> disparaît. Souvent en plein jour,<br />
en pleine ville, sans jamais se faire pincer.<br />
Principal accusé: le Hizbullah (parti<br />
<strong>de</strong> Dieu). Mais les signes <strong>de</strong> complicités<br />
policières se multiplient.<br />
La vague <strong>de</strong> terreur urbaine a commencé<br />
en 1991, peu après une purge, à<br />
Ankara, d'offiLlers <strong>de</strong> police ultrareligieux;<br />
beaucoup ont été envoyés au Sud-<br />
Est. Dans une bourga<strong>de</strong>, <strong>de</strong>ux membres<br />
notoires du Hizbullah, qui venaient <strong>de</strong><br />
tuer. se sont réfugiés dans les locaux <strong>de</strong><br />
la police; la population n'a plus entendu<br />
parler d'eux. Ce règne <strong>de</strong> l'arbitraire se<br />
<strong>de</strong>vine aisément quand on voit surgir, au<br />
restaurant d'un hôtel prétentieux <strong>de</strong><br />
Diyarbakir, <strong>de</strong>ux hommes hirsutes, non<br />
i<strong>de</strong>ntifiables, arborant ostensiblement<br />
un fusil-mitrailleur.<br />
«Mensonges», rétorquent les autorités<br />
turques indignées; tous les malheurs<br />
du Sud-Est viennent du terrorisme,<br />
l'Occi<strong>de</strong>nt doit comprendre que <strong>de</strong>s<br />
mesures d'exception soient prises pour<br />
combattre ce fléau. Invoquer ainsi le<br />
«terrorisme», réagit Yavuz Önen, prési<strong>de</strong>nt<br />
<strong>de</strong> la Fondation <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong><br />
l'homme, ne vise qu'à «se donner, sur<br />
le plan international, la légitimité <strong>de</strong> se<br />
défendre». Ne serait-ce qu'en termes <strong>de</strong><br />
dimension, le mot est trompeur, il suffit<br />
<strong>de</strong> lire les chiffres officiels pour s'en<br />
persua<strong>de</strong>r: en 1992, les forces <strong>de</strong> séçurité<br />
ont saisi 3317 fusils, 1478 pistol<strong>et</strong>s,<br />
117 lance-roqu<strong>et</strong>tes, 2339 grena<strong>de</strong>s,<br />
8852 canons antiaériens, 386 808 cartouches.<br />
Et le conflit a fait plus <strong>de</strong> 2000<br />
morts.<br />
En réalité, Ankara affronte une véritable<br />
rébellion kur<strong>de</strong>. Yalcin Dagan, éditorialiste<br />
proche du pouvoir, en mesure<br />
crûment l'ampleur: «J'ai vu que les militaires<br />
n'osent pas sortir dès la<br />
nuit tombée. Même <strong>de</strong> jour, les<br />
officiers n'osent plus porter leurs<br />
insignes. Une fois, j'étais assis<br />
dans une pièce avec le chef <strong>de</strong> la<br />
police, le chef d'état-major militaire,<br />
le gouverneur; ils se baissaient<br />
en passant <strong>de</strong>vant les<br />
fenêtres. Les gens s'expriment<br />
ouvertement; certains croient au<br />
PKK, d'autres, pris entre <strong>de</strong>ux<br />
feux, ont peur. Pour régler <strong>de</strong>s<br />
différends ou célébrer <strong>de</strong>s<br />
mariages, ils ne s'adressent plus<br />
à lajustice (turque), mais aux trihunaux<br />
populaires du PKK. Ils<br />
considèrent la police <strong>et</strong> l'armée<br />
comme <strong>de</strong>s forces d'occupation<br />
étrangères. Aux yeux <strong>de</strong>s autorités,<br />
tous les habitants sont <strong>de</strong>s<br />
ennemis. C<strong>et</strong>te région est <strong>de</strong>venue<br />
impossible à gouverner.<br />
L'Etat commence d'ailleurs à<br />
s'en r<strong>et</strong>irer: juges, mé<strong>de</strong>cins,<br />
L'HEBDO - 18 FÉVRIER 1993<br />
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