un village hmong vert du haut laos

190 CLANS ET LIGNAGES
D'aprks Neej Huas, qui en exerCa souvent la fonction, la premikre qualit6 de l'arbitre est de
savoir arrondir les angles en tvitant d'envenimer la querelle. L'idCal est de rtconcilier les adversaires
plut8t que d'avoir B shir. On s'efforce toujours d'obtenir un arrangement B l'amiable, un dCdommagement
consenti du plaignant, B la satisfaction des deux parties. 11 est d'ailleurs quasiment
impossible d'exercer un jugement contraignant B moins que le lignage de l'accust lui donne tort et
s'engage B faire extcuter la sentence. Comme chez nous, beaucoup de procks n'aboutissent pas et on
ne se prive pas d'interjeter appel.
I1 s'agit alors de trouver des autorites suptrieures au conseil des notables, pouvant rendre caduques
leurs decisions. Les autoritb, tus nom tus tswv, existent rarement comme B Xieng-Khouang oii
l'administration avait crtt, des chefs de cantons et de districts hmong. A Pha-Hok, on tente de poursuivre
l'affaire B Nala chez le Nay Tasseng C) ou au tribunal provincial de Saiyaboury, qui posskde
un adjoint du juge d'instruction d'ethnie hmong.
Une des affaires les plus curieuses de notre skjour B Pha-Hok et qui consacra la chute de Neej
Hum, survint peu de temps aprks que ce dernier eut ttt dCmis de ses fonctions de Nay Ban. Ses
buffles s'Ctaient introduits dans le ray de riz de Ntsuab Nchais du clan Vaaj et avaient mangC son
paddy B plusieurs reprises. Ntsuab Nchais est le gendre de Tsu Yob, voisin et a frbre de clan B de Neej
Hum. Tsuj Yob fut donc appelC B arbitrer l'affaire. Les Vaaj exigaient une rtparation immediate des
digits estimts 2 180 kg de paddy. Neej Huas, confiant dans son prestige encore rtcent de chef, se
refusa B aller constater les dCg2ts tout en contestant la quantitk de paddy saccagt :
a: J'ai dit que je paierai quand la moisson ! , ajouta-t-il, ce qui parut une insulte aux Vaaj. Vam
Tsheej, le nouveau chef de village le cita B comparaitre devant le conseil des notables, mais Neej Huas
qui en faisait, semble-t-il, une question de face refusa de s'y rendre. Alors Ntsuab Nchais, se saisit
des buffles de Neej Hum et, accompagnt de Vam Tsheej, et de deux membres de sa lignte, les conduisit
chez le Nay Tasseng lao de Thadeua.
a: Vam Tsheej est un incapable, commentait Neej Huas, il ne sait pas conduire un procks. Au
lieu de chercher B minimiser l'affaire, il promet son appui aux deux parties, attisant la querelle.
Quand c'Ctait moi qui Ctait chargt de ces affaires, je m'effor~ais toujours de rtduire les diffkrents. Mais
les Vaaj ne savent pas, ils aiment la chicane. D7une toute petite chose ils font une grande histoire ! B.
Le Tasseng convoqua plusieurs fois Neej Huas, mais celui-ci ne voulut pas non plus s'y rendre,
tiichant par ailleurs de faire agir ses relations dans l'administration B Saiyaboury, pour que le Tasseng
lui rende ses buffles.
Pendant toute cette ptriode l'animositC entre les Xyooj et les Vaaj ne cessa de croitre : c Si cela
continue le village va tclater ! , rtpttait Neej Huas. Ce dernier procbs n'est sans doute pas Ctranger au
choix de Tsuj Yob le mtdiateur come successeur B Vam Tsheej qui avait donne sa mesure dans cette
histoire absurde.
Nous avons vu qu'un lignage se constituait B partir d'une lignte prise dans sa totalitt ou en partie,
cependant nous n'avons pas considtrt le problkme des familles isolkes, seules survivantes de leur
lignCe, ou trop eloigntes d'elle pour pouvoir s'y rattacher. Autour d'un lignage, il gravite toujours
un certain nombre de maisons isoltes qui s'amalgament au groupe, non plus sur la base de la lignCe
mais sur celle du clan. On voit meme parfois des groupes territoriaux constituCs de maisons entre
(7) Le Nay Tasseng fait office de prud'homme dans les affaires qu'on ne peut rkgler B l'bhelle du village
et qu'on ne veut pas porter 2 la cour provinciale.