Daumier, peintre et lithographe - Histoire et Patrimoine du Vexin

aux toits inégaux et aux fenêtres irrégulières. Au-dessus, des coteaux
lointains, et les nuages qui voguent au ciel.
« — Quel Daumier !
« C'est le cri instinctif que l'on est obligé de jeter. Quel Daumier !
En effet, un « Daumier » qui ramasse, qui réunit sur le même point
des séries de lithographies, de dessins, de peintures, toutes ces images
paisibles et comiques où vit une humanité travailleuse et badaude
dans le décor de l'ancien Paris miré par la Seine.
« Mais nous ne sommes pas seulement devant un Daumier, nous
sommes chez Daumier. Cette vieille maison, dont nous venons de
gravir l'escalier, est la sienne. Ce palier sur lequel nous nous sommes
arrêté tout d'abord est le palier de son honnête logis. Ce petit escalier
que nous avons pris ensuite est l'escalier de son atelier. Autrefois, il
était intérieur, aujourd'hui il est extérieur, c'est le seul changement
ai)porté par les années. Cet atelier, enfin, est le sien, et cette petite
lucarne par laquelle nous avons revu le monde vivant de son œuvre
est la lucarne où s'encadrait sa face spirituelle et sérieuse, et par
laquelle son regard et son esprit allaient à la découverte du monde
extérieur...
« C'est dans cet atelier du quai d'Anjou, où se trouvent encore la
palette, les crayons lithographiques et de belles peintures et de savou-
reux croquis de Daumier, c'est là qu'il mena à bien une grande
partie de son œuvre. Sous cette baie vitrée était la table où il travail-
lait. Au fond, dans cet angle obscur, le canapé sur lequel il allait se
reposer et songer, et travailler aussi, car la songerie de Daumier était
féconde, puisque c'était sa mémoire qui lui donnait à revoir, de nou-
veau, en quels résumés saisissants ! les paysages de villes et les êtres
qu'il avait longuement contemplés pendant ses flâneries.
« Ce petit escalier conduit toujours à une espèce de chambre de
phare haut perchée sur le toit, qui était encore un refuge de rêverie
pour Daumier. C'est de là, fumant son éternelle pipe, qu'il regardait
son ami et compère Geoffroy-Dechaume fumant aussi sa pipe dans sa
barque amarrée à la berge du quai : ils se regardaient longtemps et
conversaient sans mot dire à travers la fumée du tabac » (1).
(1) Gustave Geffroy. Daumier. (Revue de Tart ancien et moderne, 1901).
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