Daumier, peintre et lithographe - Histoire et Patrimoine du Vexin
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de tous les efforts de l'artiste pour renouveler les deux protagonistes<br />
de son drame imagé, le bouffi Macaire <strong>et</strong> l'efflanqué Bertrand, c<strong>et</strong>te<br />
perpétuelle exhibition des mêmes personnages, engendre une mono-<br />
tonie qui finit par devenir fastidieuse. Peut-être aussi le thème de ces<br />
planches ne fournit-il pas suffisamment aux belles qualités d'observa-<br />
tion de <strong>Daumier</strong> l'occasion de se développer. Trop souvent, dans ces<br />
compositions plus allégoriques que vivantes, l'effort de l'artiste avorte ;<br />
il n'est plus que l'illustration de la légende, parfois bien plate — , <strong>et</strong><br />
c'est déi)loral)le.<br />
Et pourtant, quelle hyj)ocrisie superbe, quel puffismc sournois,<br />
dans ce type de Robert-Macaire, financier, politicien, médecin, avocat,<br />
journaliste, philanthrope, toujours brasseur d'affaires, dans le pire<br />
sens <strong>du</strong> terme, précurseur fabuleux de l'Isidore Lechat, d'Octave<br />
Mirbeau! Et comme le disciple inqui<strong>et</strong> <strong>du</strong> maître, le squel<strong>et</strong>tique<br />
Bertrand, lui aussi, excelle à se déguiser en honnête homme, ahuri <strong>et</strong><br />
béat! Quelle satire mordante que c<strong>et</strong>te parade d'infamie, où les gogos,<br />
qui en font les frais, sont de tous les temps !<br />
Dans la première Caricaturana, parue le 20 août 1836, Robert-<br />
Macaire <strong>et</strong> Bertrand méditent, soucieux de l'avenir, maintenant que le<br />
théâtre vient de leur être fermé :<br />
« — Bertrand, fadore l'in<strong>du</strong>strie, confie Macaire. Si tu veux, nous<br />
créons une banque, mais là, une vraie banque ! Capital: cent millions de<br />
millions, cent millions de milliards d'actions. Nous enfonçons la Banque<br />
de France, nous enfonçons les banquiers des banquistes : nous enfonçons<br />
tout le monde.<br />
« — Oui, mais, objecte Bertrand. . ., mais les gendarmes. . . ».<br />
A quoi, Robert dédaigneux : « — Que tu es bête ! Est-ce qu'on<br />
arrête un millionnaire ? »<br />
Le journalisme est en train de se transformer. Emile de Girardin,<br />
sorte de Naj)oléon publicistc, crée le journal à un sou - le journal<br />
d'informations <strong>et</strong> d'affaires. — Dans son cabin<strong>et</strong>, M. de Robert-Macaire<br />
— ou de (iirardin — explique à un (jogo son système :<br />
« Le journal nous revient à 23 fr. ,50. Nous le vendons 20 francs.<br />
Bénéfice n<strong>et</strong> 3 fr. 50. Nous avons un millier d'abonnés, donc 3 millions<br />
500.000 francs de dividende; c'est clair comme le jour! Qu'on me<br />
réponde par des chiffres, ou j'attaque en diffamation ! »