Daumier, peintre et lithographe - Histoire et Patrimoine du Vexin

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pour décourager les faussaires. Voilà pourquoi Daumier peintre est
relativement facile à imiter, tandis que Daumier dessinateur échappe,
de toute évidence, au copiste.
Ce sens du mouvement qu'eut à un si haut point (iéricault, grâce
à une décomposition toute spontanée des temps, le peintre, en Dau-
mier, le posséda autant que le caricaturiste. M. Henry Marcel cite avec
raison le tahleau de la vente Lut/., (pii représente une laveuse gravis-
sant l'escalier qui joint la herge au (piai ; la femme donne la main à
une petite tille, dont les courtes jamhes ont à peine la hauteur des
marches, et qui se hisse tirée par sa mère, pour les escalader une à
une. Assurément, le « contraste des deux mouvements, l'un Irancpiille,
où le corps garde sa verticale, l'autre fait d'oscillations successives, est
d'une vérité illusionnante ».
Mais comhien plus surprenantes encore à cet égard, les Laveuses
du Quai d'Anjou, le heau tahleau de l'ancienne collection Desouches,
magnifiquement lithographie ])ar Lunois. F^n haut de ce même esca-
lier, une femme s'en va, courhée sous le paquet de linge, et le pied
gauche sur la pointe, elle est surprise en pleine marche. Sa silhouette
bouge réellement sur le gris du ciel. Mais ce (pii est admirable, c'est la
laveuse du premier plan, celle (pii achève de descendre. Le fardeau
de la lessive la fait plier sur la hanche gauche. Son i)ied droit vient
de se poser sur la berge, tandis que l'autre i)ied (piitle la tlernière
marche. C'est là un très curieux instantané, réalisé j)ar un grand
artiste.
De même, le Badigeonneur, demeuré à l'état d'esquisse, bouge au
long de la corde qui le soutient. Cet homme balancé dans l'espace, si
nous le contemplions troj) longuement, nous donnerait le vertige...
Pour des raisons de pure technique, il est |)ermis de préférer les
aquarelles de Daumier à ses peintures à l'huile, (^est sans doute là
qu'il est le ])lus lui-même, qu'on le sent le jilus libre. A vrai dire, il
s'agit plutôt de dessins rehaussés (pie d'acpiaielles pures. Un dessous
à la plume, très léger, constitué par de fins linéaments sinueux ([ui
enveloppent les formes dans un réseau très souple, i)uis un lavis
d'encre de Chine et de bleu, de-ci, de-là, une pointe de terre de
Sienne — la gouache donnant les lumières. On le voit, les acpiarelles
de Daumier ne sont pas, à proprement parler, des aquarelles.