Daumier, peintre et lithographe - Histoire et Patrimoine du Vexin

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40 verdures funéraires, blanche de tombes. Mais où le chef-d'œuvre prend tout son sens, c'est au premier plan, près de cette pierre tumulaire, de cette croix qui attend l'illustre défunt. Ventripotent, les cuisses lourdes et courtes, bien reconnaissable à ses favoris, à non nez bourbonien, à ses lèvres enfoncées, Louis- Philippe, de ses mains jointes, cache une partie de son visage, comme s'il pleurait ; et pourtant, visiblement l'hypocrite s'csclafFe ; tout son être exulte, à la pensée délicieuse que l'idole du peuple vient de dispa- raître. Et la légende prend alors son véritable sens, trivial et terrible : Enfoncé, Lafayetle ! Attrape, nwn uicu.v I Quel contraste devait faire avec la Rue Transnonain la composition qui suivit, la dernière que Daumier donna à VAssociation mensuelle — ce fameux Ventre législatif (aspect des bancs ministériels de la Chambre improstituée en 1834^) ! Sur ces quatre bancs, où s'étalent toutes les laideurs, tous les vices, toutes les petitesses, toutes les difformités physiques et morales de l'humanité, le personnel de la monarchie de Juillet, — épaves de la ('constituante et du Directoire, de l'Empire et de la Restauration, nouvelles couches chicanières et avides — est cloué là pour l'avenir, comme au pilori. Ces visages anxieux ou satisfaits, il n'y a pas à les décrire, il n'y a qu'à les regarder. Voici Prunelle obèse et hirsute, Lameth prenant une prise, Kératr}^ discourant avec des mines simiesques, Ro3'er-Collard lugubre, Guizot écoutant avec un ennui mal déguisé les galéjades marseillaises de M. Thiers. C'est surtout en songeant au Ventre législatif que M. Camille Pelletan écrivait en 1878, dans le Rappel : « M. Daumier laissera à l'histoire une collection complète des visages de cette époque, types de race pesante, au milieu desquels la figure de M. Thiers éclate d'esprit, de ruse et de pétulance marseillaise. Car jamais personne comme Daumier ne saisit au vol cette vivante grimace, clignant les yeux, serrant les lèvres, qui formait la physionomie de l'éminent homme d'Etat. Les portraits officiels sont loin de cela ». Les émeutes avaient peuplé d'insurgés et de blessés les prisons. C'est en 1834 que date cette belle planche, où l'on voit Louis-Philippe dialoguer avec un juge, devant la couchette d'un détenu à l'agonie, dont il tâte le pouls : « Celui-là, dit le roi, on peut le mettre en liberté. .
Celui-là, on peut le mettre en liberté, il n'est plus dangereux. il n'est plus dangereux (1) ». De cette année sani»lantc, également, l'émouvante allégorie : « Et pourtant elle marche I (2) » songe, dans son cachot, un jeune insurgé, lequel, fers aux mains et aux pieds, sans paraître se soucier du procureur en robe qui le guette, contemple dans l'air lumineux l'image d'une jeune femme, coiffée du bonnet phrygien, la Liberté en marche : et encore ces deux charges de la victime couronnée : le Magot de la Chine (tiré du cabinet de M. C.h. Philipon), curieuse transposition de Louis-Philippe en Bouddha ; admiral)le potiche à la tète en poire, aux méchants yeux bridés, à la grande bouche, au rictus perfide, au ventre béat, se découpant sur un fond d'un noir velouté; et ce sinistre Voyage à travers les populations (1) 11 Septembre 1834. (2) 6 Novembre 1834. 41
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