Daumier, peintre et lithographe - Histoire et Patrimoine du Vexin
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empressées (1), où l'on voit le souverain vêtu en suisse de cathédrale <strong>et</strong><br />
juché sur une espèce de Rossinante, parcourant les provinces désolées,<br />
semées de cadavres <strong>et</strong> traversées de vols de corbeaux.<br />
Le soulèvement <strong>du</strong> 13 avril devait avoir sa répercussion au<br />
Luxembourg. Un grand nombre d'arrestations ayant été opéré, ce fut,<br />
en eff<strong>et</strong>, devant la U.our des Pairs qu'on tra<strong>du</strong>isit les prisonniers. Ce<br />
sont leurs juges qu'à son tour <strong>Daumier</strong> fit comparaître dans son<br />
journal.<br />
Les audiences n'avaient point lieu dans le Palais, mais dans une<br />
construction en planches, édifiée hâtivement à c<strong>et</strong> usage, <strong>et</strong> dont<br />
Talleyrand avait dit, avec un sourire : a C'est la mort qui construit<br />
c<strong>et</strong>te baraque !<br />
» Dans la tribune publique, au milieu <strong>du</strong> tumulte<br />
soulevé par les prévenus <strong>et</strong> par les défenseurs, les Etienne Arago, les<br />
Bastide, les Barbes, les Blanqui, les Armand Carrel, les Garnier-Pagès,<br />
les Pierre Leroux, les Lamennais, les Ledru-Rollin, les Raspail, parmi<br />
le cliqu<strong>et</strong>is des baïonn<strong>et</strong>tes, <strong>Daumier</strong>, le cœur battant, assista à chaque<br />
audience. Brûlant de venger les accusés, il condamna les juges à<br />
figurer dans sa galerie, pour l'éternité.<br />
Voyez-les, ces vieillards qui viennent juger, avant de mourir. Vous<br />
n'y trouverez pas le chevaleresque Chateaubriand. Le « poète de toutes<br />
les ruines » s'est, depuis l'aurore de la nouvelle monarchie, r<strong>et</strong>iré dans<br />
un exil volontaire. Le <strong>du</strong>c de Broglie n'a pas répon<strong>du</strong> à l'appel <strong>et</strong>,<br />
avec lui, quatre-vingt-cinq pairs, légitimistes, bonapartistes ou libéraux,<br />
se sont discrètement récusés.<br />
Mais il reste tous ceux qui, avec le même zèle servile, se sont<br />
prosternés devant Napoléon, agenouillés devant les Bourbons, <strong>et</strong><br />
seront prêts demain à déserter la cause orléaniste pour suivre tel<br />
nouveau maître que leur réserve l'avenir. Dans un fauteuil de malade»<br />
voici, de profil, Barbé-Marbois, l'ancien déporté de Cayenne ; vêtu<br />
d'une vaste houppelande, coiffé d'un béguin, il somnole, les membres<br />
raidis par l'ankylose, le corps momifié. Le général Mathieu Dumas,<br />
« l'homme à la visière verte », est en train de boire un cordial, qui<br />
lui rendra peut-être un peu de vie. M. Gazan, énorme, abominable de<br />
vulgarité, dort béatement ; le <strong>du</strong>c de Choiseul a tout l'aspect d'un<br />
ancien guerrier cacochyme, cassé <strong>et</strong> grinçant.<br />
(1) 14 Août 1834.<br />
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