Daumier, peintre et lithographe - Histoire et Patrimoine du Vexin

chansonné le commandant en chef de la Garde Nationale), celui-ci
est représenté en costume de cour, portant la seringue en sautoir; des
aides de camp le suivent, tenant d'autres accessoires significatifs.
Daumier s'en prendra encore à un autre vétéran des guerres
impériales, au maréchal Mortier, duc de Trévise. La courte tentative,
en 1834, d'un ministère Mortier, fournil un prétexte à Daumier de faire
un sort à certain calembour attribué à Nai)oléon (qui aurait aj)pelé
son maréchal « un grand mortier de petite portée »), en le transformant
en engin à lancer des décorations. Ce même duc de Trévise
allait être l'objet, de la part de Daumier, d'attaques encore plus
injustes et qu'aucune passion politique ne saurait excuser. Il a représenté,
en effet, le Maréchal Mortier la veille de la bataille de Wa-
terloo (1), coiffé d'un bonnet de coton, faisant le malade et se chauffant
près d'un bon feu, comme si ce vaillant soldat eût déserté le champ de
bataille, dans le commandement qui le retenait au loin.
Autre diffamation. Sommes-nous menacés d'une crise avec l'Amérique
? Daumier représente le maréchal Mortier, endossant de nouveau
la douillette du malade, entre le duc d'Orléans, qui coupe ses mous-
taches pour se rendre méconnaissable, et le prince de Joinville, caché
sous des rideaux.
Le Bugeaud du château de Blaye trouve moins grâce à nos yeux.
Guerrier, jardinier, geôlier, c'est bien là le Gros Jean Bugeaud (2), de
qui le Riuarol de 18^i2 écrivait méchamment : « Il a une telle égalité
d'âme qu'il est capable, dans une même journée, de tuer des hommes
et de planter des choux. Toute sa science est renfermée dans ces
mots : On ne passe pas ! qu'il n'a point oubliés depuis le jour où il
faisait sa faction en qualité de conscrit ;
37
aussi lui a-t-on donné la garde
du château de Blaye ».
Nous avons déjà vu Daumier s'intéresser à la politique étrangère
Plus tard, il trouvera là, lorsque la presse sera bâillonnée, un heureux
dérivatif. Dans Kiss-Kiss, Pedro et dans la Prise de Lisbonne, se révèle
la verve patriotique et même un peu chauvine de l'artiste, qui s'exer-
cera, dans l'avenir, au détriment des Cosaques, des Autrichiens et des
Prussiens.
(1) Dép. lég. le 15 Février 1835.
(2) Dép. lég. le 9 Avril 1835.