Daumier, peintre et lithographe - Histoire et Patrimoine du Vexin

Le temps, on le sait, devait cependant donner raison à Emile de
Girardin.
Ici, Rohert-Macaire regarde de haut la foule de ses imitateurs :
artistes, épiciers, financiers, musiciens, avocats : « C'est tout de même
flatteur, s'écric-t-il, d'avoir fait tant d'élèves ». Mais c'est embêtant, y
en a de trop, la concurrence tue le commerce et, pour peu que ça con-
tinue, nous serons débordés, nous deviendrons perruques, rococos, nous
crèverons de faim, faudra nous faire gendarmes ou capucins! »
Parfois, la farce contine au drame, comme dans cette planche
sinistre intitulée Le Début, où nous assistons, en effet, aux déinits de
Robert-Macaire et de Bertrand dans la carrière médicale.
Auprès de la petite malade, délicate, charmante, les deux con-
frères parlent bas :
« Bertrand. Oh ! non, la malade est faible.
l'opération devient impraticable.
. . elle succomberait. .
« Robert Macaire. — Impraticable!! Il n'y a rien d'impraticable
pour un débutant. . . Ecoute,
.
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nous sommes inconnus. Si nous échouons,
nous restons dans l'obscurité. Ça ne nous recule pas. Si, par hasard,
nous réussissons . . . C'est flni, nous sommes lancés, notre réputation est
faite.
Ensemble. — « Pratiquons ! Pratiquons ! »
Puis, c'est Macaire vendant des bibles en sablant le chami)agne
avec des vierges folles; Macaire, neveu prodigue, étreignant à l'étoulfer
son vieil oncle agonisant; Macaire, veuf, abandonnant aux pauvres un
tiers de la succession contestable de sa femme, à condition qu'ils lui
en avancent le reste ; Macaire, directeur d'une compagnie d'assu-
sances, promettant monts et merveilles à l'assuré, en cas de décès, et
lui faisant valoir que, si la Compagnie ne tenait pas ses promesses, il
lui resterait toujours les quittances et son recours devant les tri-
bunaux.
C'est bien « la comédie aux cent actes divers » de la friponnerie
moderne. Qu'on admire ou non celte longue série, il faut reconnaître,
avec Baudelaire, que « Robert-Macaire fut l'inauguration décisive de
la caricature de mœurs... La caricature, dès lors, prit une allure nou-
velle ; elle ne fut plus spécialement politique. Elle fut la satire géné-
rale des citovens. Elle entra dans le domaine du roman. »