Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
puissance, capable de regrouper tous les États menacés en une<br />
seule nation.<br />
La philosophie du comte Airain était celle de l’expérience,<br />
celle d’un homme d’action plutôt que celle d’un érudit. Aussi<br />
longtemps que la Kamarg, le seul territoire dont il fût<br />
responsable, serait assez forte pour résister à la poussée de la<br />
Granbretanne, il ne voyait aucune raison de changer d’opinion.<br />
Étant à l’abri lui-même des attaques de l’empire insulaire, il<br />
pouvait observer avec une admiration détachée la façon cruelle<br />
et implacable avec laquelle cette nation étendait son ombre sur<br />
l’Europe, toujours plus loin au fil des ans.<br />
Sur la Scandie et sur tous les pays du Nord, la Granbretanne<br />
avait déjà posé ses griffes, suivant une ligne qui passait par des<br />
cités fameuses : Parye, Munchein, Wien, Krahkov, Kerninsburg<br />
(enclave dans le mystérieux pays de Moskovie). Un vaste demicercle<br />
de conquêtes au cœur du continent, un demi-cercle qui<br />
s’élargissait jour après jour et qui ne tarderait pas à englober les<br />
principautés septentrionales de l’Italia, de la Magyarie et de la<br />
Slavie. Bientôt, pensait le comte, le Ténébreux Empire aurait la<br />
mainmise sur toutes les terres comprises entre la mer<br />
Norvégienne et la Méditerranée, et seule la Kamarg ne serait<br />
pas tombée sous sa coupe. C’est aussi à cause de cette idée qu’il<br />
avait accepté d’assumer la fonction de seigneur gardian, lorsque<br />
son prédécesseur, sorcier médiocre et corrompu venu du pays<br />
des Bulgares, avait été massacré par les gardians qu’il avait eus<br />
sous ses ordres.<br />
Ainsi, Airain avait garanti la Kamarg des attaques de<br />
l’extérieur et des périls intérieurs. Il restait peu de baragoins, les<br />
autres dangers avaient été éliminés, et les habitants des<br />
nombreux petits villages pouvaient dormir en paix.<br />
<strong>Le</strong> comte vivait dans son confortable château d’Aigues-<br />
Mortes, jouissant des plaisirs simples de l’existence<br />
campagnarde, tandis que le peuple, pour la première fois depuis<br />
longtemps, goûtait les joies de la tranquillité.<br />
L’endroit était connu sous le nom de château Airain.<br />
Construit plusieurs siècles auparavant, l’édifice s’élevait sur une<br />
ancienne pyramide qui avait dominé la ville. À présent, la terre<br />
avait recouvert l’antique monument ; on y avait fait pousser de<br />
14