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— Baron, je ne puis vous accorder mon pardon. Je ne veux<br />
plus écouter vos paroles insidieuses. Je veux que dans l’heure<br />
vous ayez passé les portes du château Airain ; je veux que<br />
demain, avant l’aube, vous ayez franchi les limites de mes<br />
terres. Autrement, vous périrez, ainsi que les vôtres.<br />
— Vous oseriez offenser la Granbretanne ?<br />
<strong>Le</strong> comte haussa les épaules.<br />
— Je n’offense nullement le Ténébreux Empire. Si vos<br />
compatriotes apprennent ce qui s’est passé cette nuit, ils vous<br />
puniront de vos erreurs et ne viendront certes pas me demander<br />
raison. Vous avez échoué dans votre mission. C’est vous qui<br />
m’avez offensé et non pas moi qui ai bafoué la Granbretanne.<br />
<strong>Le</strong> baron Meliadus n’ajouta pas un mot et, exaspéré, s’en alla<br />
préparer son départ. Dépité et furieux, il monta bientôt dans<br />
son étrange voiture, puis l’attelage se mit en branle et franchit<br />
les portes du château. Il s’était à peine écoulé une demi-heure et<br />
le Granbreton n’avait même pas pris le temps de saluer ses<br />
hôtes.<br />
Airain, Yisselda, Noblegent et von Villach, debout dans la<br />
cour, le regardèrent partir.<br />
— Vous aviez raison, ami Noblegent, reconnut le comte.<br />
L’homme nous a trompés, Yisselda et moi. Je ne recevrai plus<br />
jamais d’émissaire du Ténébreux Empire en ce château.<br />
— Comprenez-vous enfin qu’il faut combattre et détruire cet<br />
empire ? lui demanda le poète-philosophe d’un ton rempli<br />
d’espoir.<br />
— Je n’ai pas dit cela. Laissons-les agir à leur guise. Nous, en<br />
tout cas, n’aurons plus à souffrir ni de la Granbretanne ni du<br />
baron Meliadus.<br />
— Vous vous trompez, lança Noblegent avec conviction.<br />
Et dans son ténébreux attelage, qui filait dans la nuit vers les<br />
frontières septentrionales de la Kamarg, le baron Meliadus se<br />
parlait à lui-même, à voix haute, prêtant serment sur le plus<br />
mystérieux des objets sacrés qu’il pût connaître. Il jurait par le<br />
Bâton Runique, ce symbole perdu dont on disait qu’il recelait<br />
tous les secrets de la destinée, qu’il soumettrait le comte d’une<br />
manière ou d’une autre, qu’il prendrait Yisselda et que la<br />
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