Glucides et santé - Anses
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7. PLAISIR DU SUCRE ET INFLUENCE SUR LE<br />
COMPORTEMENT ALIMENTAIRE<br />
Les qualités sensorielles des aliments (surtout leur goût <strong>et</strong> leur arôme) sont de puissants<br />
déterminants de la consommation alimentaire. Elles peuvent orienter les choix alimentaires,<br />
stimuler la consommation, la décourager, <strong>et</strong> même perm<strong>et</strong>tre au mangeur d’adapter la<br />
quantité d’aliments qu’il consomme à ses besoins énergétiques. Dans ce contexte, le goût<br />
sucré a une influence toute particulière qui est déjà marquée dès le début de la vie.<br />
Chez l’enfant nouveau-né, qui n’a encore jamais été nourri, une goutte de solution sucrée<br />
déposée sur la langue induit une mimique très caractéristique : plissement des yeux,<br />
décontraction du visage, extension de la langue qui parcourt les lèvres, <strong>et</strong> même parfois<br />
sourire. Ce réflexe gusto-facial est connu depuis plus de cent ans <strong>et</strong> a été bien décrit par<br />
Steiner dans les années 1970, puis par Matty Chiva qui a montré comment ce réflexe<br />
contribue à la relation qui s’installe entre l’enfant <strong>et</strong> son entourage (Steiner, 1977), (Chiva,<br />
1985). Ce réflexe est universel, on le r<strong>et</strong>rouve dans toutes les cultures <strong>et</strong> chez tous les<br />
enfants, même chez des nouveau-nés qui présentent de graves malformations cérébrales<br />
(anencéphalie par exemple). Il existe donc un réflexe inné d’acceptation d’une solution<br />
sucrée. Récemment, les progrès de l’imagerie médicale ont permis de montrer que dès le<br />
troisième trimestre de la grossesse, le fœtus, dont les récepteurs gustatifs sont fonctionnels,<br />
réagit à la présence de glucose dans le liquide amniotique par une augmentation de la<br />
fréquence des déglutitions <strong>et</strong> même aussi parfois, par un sourire. Le fœtus ou l’enfant<br />
ressentent-ils du plaisir à l’occasion de c<strong>et</strong>te perception d’un stimulus sucré ? On ne peut<br />
pas l’affirmer de façon certaine mais les adultes qui voient un nourrisson accepter avidement<br />
un liquide sucré ne manquent pas de conclure que ce produit est agréable à l’enfant.<br />
Le goût pour le sucré est une motivation largement partagée parmi les mammifères, sinon<br />
par tous les animaux (oiseaux, insectes, <strong>et</strong> même bactéries) (Pfaffmannn, 1977). Il y a très<br />
probablement dans l’héritage génétique une capacité à reconnaître <strong>et</strong> à accepter, souvent<br />
avec avidité, les substances au goût sucré. Chez l’animal, l’avidité pour le sucré est une<br />
motivation très puissante qui peut m<strong>et</strong>tre en échec des mécanismes de régulation<br />
physiologique. Par exemple, une solution de saccharine au goût sucré est très appréciée par<br />
le rat de laboratoire ; si on injecte à l’animal de l’hormone anti-diurétique de telle sorte que<br />
son rein ne puisse plus excréter des quantités d’urine suffisantes, le rat continue néanmoins<br />
à boire son eau à la saccharine malgré une dilution dangereuse de son plasma sanguin<br />
(Rolls, 1987). Chez l’homme, rien d’aussi dramatique n’a jamais été mis en évidence.<br />
L’appétit pour le sucré peut-il contrecarrer des régulations biologiques chez l’homme<br />
également ? On pense davantage ici à la régulation énergétique plutôt qu’à la régulation<br />
hydrique. La réponse à c<strong>et</strong>te question n’est pas facile <strong>et</strong> les données disponibles donnent<br />
lieu à plusieurs interprétations.<br />
Dès sa naissance, le nouveau-né humain préfère l’eau sucrée à l’eau pure. Ses préférences<br />
vont non seulement vers les glucides simples, mais encore vers ceux au goût le plus intense<br />
(saccharose, fructose) plutôt que vers des glucides simples moins sucrés (glucose, lactose)<br />
<strong>et</strong>, pour un même glucide simple, vers les solutions les plus concentrées (Maller <strong>et</strong> al, 1973).<br />
La plupart des enfants (avec quelques exceptions relevant parfois de la pathologie) ont un<br />
goût marqué pour les aliments sucrés. De nombreux auteurs ont fait remarquer que la<br />
familiarité de l’enfant avec les aliments disponibles dans son environnement socio-culturel lui<br />
perm<strong>et</strong> d’acquérir des goûts <strong>et</strong> des aversions pour différents produits, en particulier pour des<br />
aliments non sucrés. Les mécanismes qui sous-tendent l’acquisition des préférences<br />
alimentaires dépassent le cadre de ce bref chapitre. Disons simplement que l’enfant apprend<br />
par l’expérience à apprécier certains aliments. L’enfant apprend que plusieurs de ses<br />
aliments courants se mangent non sucrés <strong>et</strong> sont néanmoins agréables au goût. Entre 6<br />
mois <strong>et</strong> 2 ans, les habitudes alimentaires déterminent quels aliments pourront être acceptés<br />
avec ou sans sucre (Beauchamp <strong>et</strong> al, 1985 <strong>et</strong> 1987). Par exemple, un enfant habitué à<br />
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