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RAPPORT SUR <strong>LE</strong> <strong>SEXISME</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>MONDE</strong> <strong>DU</strong> <strong>TRAVAIL</strong><br />
ENTRE DÉNI ET RÉALITÉ<br />
INTRO<strong>DU</strong>CTION<br />
Suite à l’enquête sur les relations professionnelles entre<br />
les femmes et les hommes lancée, en juin 2013, dans neuf<br />
grandes entreprises françaises, le Conseil supérieur de<br />
l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes<br />
(CSEP) a décidé, dans un avis du 4 mars 2014 1 , de consti -<br />
tuer un groupe de travail pour parvenir à une définition<br />
partagée du sexisme et à des propositions sur la manière<br />
dont il convient de le rendre visible et de le combattre.<br />
Dans le cadre de sa mission d’étude et de réflexion, en<br />
effet, le CSEP a décidé, en partenariat avec l’Institut de<br />
sondage LH2, d’élaborer un questionnaire à destination<br />
des salarié-e-s des grandes entreprises dont l’enjeu était<br />
de discerner si, dans les relations interpersonnelles entre<br />
les femmes et les hommes, des attitudes, propos ou<br />
décisions témoignaient d’une forme d’infériorisation d’un<br />
sexe par l’autre, voire de discrimination, toute chose qui<br />
pourrait être qualifiée de sexisme, sans pour autant que le<br />
mot ne soit prononcé explicitement au début de l’enquête.<br />
Toutes les situations quotidiennes de la vie au travail<br />
étaient visées, réunions de travail, situations de<br />
management, modes d’adresse, blagues, articulations des<br />
temps de vie, de même que le ressenti des salarié-e-s face<br />
à ces situations et leurs réactions, tant du côté des<br />
femmes que des hommes.<br />
Cette enquête, à laquelle 15 000 salarié-e-s ont répondu,<br />
met en évidence une forte prévalence d’un sentiment de<br />
sexisme au travail, avec des répercussions en termes<br />
d’impact sur la confiance en soi, la performance et le bienêtre<br />
au travail. 80% des femmes salariées considèrent<br />
que, dans le monde du travail, elles sont régulièrement<br />
confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes ;<br />
près de 40% des femmes en situation de management<br />
ont le sentiment qu’il existe à leur égard des attentes de<br />
comportements managériaux spécifiques. S’agissant des<br />
modes d’adresse aux femmes, 42 % des femmes<br />
affirment avoir entendu des compliments sur leur tenue ou<br />
leur physique qui les mettent mal à l’aise et 80% disent<br />
avoir été témoins de blagues sur les femmes et, pour la<br />
moitié d’entre elles, en avoir été la cible. 90% d’entre elles<br />
considèrent qu’il est plus facile de « faire carrière » pour un<br />
homme. Enfin, s’agissant de l’articulation des temps de<br />
vie, 50% des femmes à temps partiel ont déjà entendu<br />
des remarques culpabilisantes. Le sentiment de sexisme<br />
est également très présent chez les salariés masculins<br />
interrogés : 56% des hommes considèrent que les femmes<br />
sont régulièrement confrontées à des décisions sexistes<br />
et 86% estiment que ce type de comportement peut<br />
modifier le comportement des salarié-e-s.<br />
Les conséquences en sont clairement dommageables<br />
puisque 93% des femmes considèrent que ces attitudes<br />
peuvent modifier le comportement des salariées et<br />
amoindrir leur sentiment d’efficacité personnelle. Le<br />
recours des salarié-e-s à leur hiérarchie ou aux organi -<br />
sations syndicales, dans ce type de situations, est quasi<br />
inexistant: seulement 9% des salariées ont parlé à leurs<br />
supérieurs hiérarchiques des comportements sexistes à<br />
leur égard et 4% aux représentants syndicaux.<br />
L’enjeu est donc bien là. Alors que les notions de racisme<br />
et d’homophobie apparaissent comme bien établies dans<br />
le monde de l’entreprise, même si les moyens de les<br />
combattre restent difficiles, celle de sexisme n’arrive pas à<br />
émerger clairement. Il n’existe pas de définition précise et<br />
neutre, sans relents passionnels, et désignant précisément<br />
des actes prohibés. De nombreuses formules tentent, au<br />
contraire, d’approcher ce phénomène, allant des termes<br />
de «machisme», «misogynie» à celui de «violence sexiste<br />
ou sexuelle», sans compter les termes qui désignent des<br />
faits visés spécifiquement par notre droit comme ceux de<br />
« harcèlement moral ou sexuel », de discrimination ou<br />
d’«agression sexuelle».<br />
Pourquoi une telle difficulté pour nommer ce phénomène?<br />
Tout se passe tout d’abord comme si le mot sexisme était<br />
un mot tabou, trop dérangeant pour créer un consensus<br />
d’usage puisqu’hommes et femmes sont voués à vivre<br />
ensemble tout le long du jour et pas seulement pendant<br />
les heures de travail. Ainsi, incriminer le sexisme, dans les<br />
rapports quotidiens qui renvoient à l’interdépendance des<br />
femmes et des hommes dans la vie intime, semble<br />
excessif, dangereux, voire inapproprié. Sans doute aussi<br />
parce que, contrairement au racisme, nous dit Liliane<br />
Kandel, « les femmes n’ont pas d’histoire ou de cultures<br />
propres antérieures à leur contact avec le groupe<br />
1 - Conseil Supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, Avis n°2014-0403-001 publié le 4 mars 2014 relatif à l’étude sur les relations de<br />
travail entre les femmes et les hommes sur la base d’une consultation de salarié-e-s.<br />
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