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composantes par les lois sur l’égalité professionnelle (1983,<br />
2001, 2006 et 2014), sur la répression des propos sexistes<br />
et homophobes (2004), et sur l’égalité réelle (2014).<br />
Les dictionnaires seront plus longs à faire droit de cité au<br />
«sexisme» : le mot sexisme ne fait son entrée dans le Petit<br />
Robert qu’en 1978 16 , ce qui suscitera ces commentaires<br />
de Simone de Beauvoir : «On pensera peut-être que cette<br />
conquête est mineure : on aura tort 17 ». Car, pour elle,<br />
«nommer c’est dévoiler. Et dévoiler, c’est déjà agir » 18 .<br />
Si pendant les années 1980 et 1990, l’usage du terme «<br />
sexisme » a décliné au profit de celui de la notion de<br />
discrimination fondée sur le sexe, en droit, de rapports<br />
sociaux de sexe, en sociologie, ou de violences de genre<br />
ou de sexe, il réapparaît à l’occasion de la publication de<br />
plusieurs ouvrages dans les années 2000. Parmi les plus<br />
récents, citons le Petit traité contre le sexisme ordinaire<br />
(Grésy, 2009 ) et la création de sites internet (plateformes<br />
collectives) aux Etats-Unis, en Europe et en France (Vie de<br />
meuf 2012, Macholand 2014) visant à épingler les<br />
comportements de sexisme dans les différentes sphères<br />
de la vie.<br />
1.2. Une double difficulté<br />
dans la définition du mot sexisme<br />
Définir ce terme est malaisé à plusieurs titres : son lien<br />
avec la construction des rôles sociaux de sexe et la<br />
multiplicité des définitions et approches de la notion.<br />
a. Une notion qui a partie liée avec les rôles sociaux<br />
de sexe<br />
Définir cette notion est tout d’abord délicat parce qu’il est<br />
difficile de détacher la vision du phénomène du sexisme<br />
de la construction sociale des rôles de sexe, de ce qu’on<br />
appelle « le féminin » ou le « masculin », liés eux-mêmes à<br />
l’époque et au lieu de leur élaboration. Dès lors, il a à voir<br />
avec les stéréotypes de sexe qui enferment femmes et<br />
hommes dans des injonctions préétablies. Le sexisme est,<br />
en effet, conceptualisé à travers trois composantes<br />
indépendantes mais liées : préjugés, stéréotypes et discrimi -<br />
nations. «Le préjugé se définit comme des attitudes négatives<br />
à l’égard des femmes (hostilité) ; les stéréotypes sont<br />
définis comme des croyances générales ou cognitions visà-vis<br />
des femmes, bien apprises, largement partagées et<br />
socialement validées qui renforcent, complètent ou justifient<br />
les préjugés et qui, souvent, impliquent un postulat d’infério -<br />
rité ; la discrimination désigne des comportements manifestes<br />
qui conduisent à l’exclusion, l’évitement et la mise à distance<br />
des femmes 20 ». Certains chercheurs insistent sur des défini -<br />
tions plus neutres, sans connotation négative a priori des<br />
préjugés («attitude comportant une dimension évaluative à<br />
l’égard d’un groupe donné avec comme exemple : ne pas<br />
aimer les extraterrestres sans pour autant les connaître 21 »)<br />
et des stéréotypes, lesquels peuvent être positifs ou négatifs<br />
mais c’est l’enchaînement délétère vers le sexisme qui est<br />
ici souligné.<br />
Le présent rapport n’a pas vocation, en effet, à reprendre<br />
des développements sur la question des stéréotypes,<br />
débattue récemment dans des instances et supports<br />
divers 22 . Il ne mettra l’accent que sur cinq propositions<br />
structurantes dans ce débat autour des notions de<br />
catégorisation essentialiste des femmes, impliquant la<br />
réduction de l’individu au statut de représentant de son<br />
groupe d’appartenance, érigé en nature ou essence, et<br />
celle de stigmatisation des femmes ainsi catégorisées.<br />
◗ Les stéréotypes constituent une catégorisation erronée<br />
du monde en attribuant à l’ensemble des membres d’un<br />
groupe des caractéristiques qui n’appartiennent qu’à<br />
quelques membres de ce groupe ;<br />
◗ Les stéréotypes de sexe conduisent à une vision binaire<br />
du monde qui oppose quasi terme à terme les rôles<br />
sociaux de sexe prescripteurs de pratiques et les<br />
caractéristiques du féminin et du masculin ;<br />
◗ Le «masculin», dans cette vision binaire, est doté d’un<br />
coefficient hiérarchique supérieur et « l’emporte sur le<br />
féminin», comme en grammaire. C’est la valence différen -<br />
tielle des sexes évoquée par Françoise Héritier. Le masculin,<br />
loin d’être le référent neutre universel, est au contraire<br />
l’étalon qui établit un ordre sexué du monde;<br />
16 - Les chroniques du “Sexisme ordinaire” ou les sexicides des Temps Modernes, Audrey Lassere, Festival international des écrits de femmes, 1ère édition ;<br />
communication sans actes, 2012.<br />
17 - Ibidem<br />
18 - Sexisme ordinaire, préface, Simone de Beauvoir, édition seuil, 1979.<br />
19 - Edition Albin Michel, 2009<br />
20 - Bernice Lott, Diane Maludo, Social psychology of interpersonal discrimination, Guilford Press, 1995, p12.<br />
21 - Legal J.B et Delouvée S., Stéréotypes, préjugés et discriminations, Paris Dunod, 2008.<br />
22 - Voir à ce sujet, pour ne citer que les travaux se référant au monde du travail : IMS, Les stéréotypes sur le genre, Comprendre et agir dans l’entreprise, 2013,<br />
Laboratoire de l’égalité, Les stéréotypes, c’est pas moi, c’est les autres, 2013 ; Brigitte Grésy, La vie en rose, pour en découdre avec les stéréotypes, Albin<br />
Michel, 2014; Commissariat Général à la Stratégie et à la Prospective, Lutter contre les stéréotypes filles-garçons, un enjeu d’égalité et de mixité dès l’enfance,<br />
2014 ; Haut Conseil à l’égalité, Pour l’égalité femmes-hommes et contre les stéréotypes de sexe, conditionner les financements publics, 2014 ; sans compter<br />
les différentes approches des violences sexistes au travail dans les différents plan gouvernementaux sur les violences faites aux femmes et les travaux<br />
d’instances diverses, notamment tout récemment : Conseil économique, social et environnemental, Combattre toutes les violences faites aux femmes, des<br />
plus visibles aux plus insidieuses, 2014.<br />
PREMIÈRE PARTIE<br />
<strong>LE</strong> <strong>SEXISME</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>MONDE</strong> <strong>DU</strong> <strong>TRAVAIL</strong> :<br />
Invisibilité, Jeu de masques et déni<br />
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