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LE SEXISME DANS LE MONDE DU TRAVAIL

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du sexisme voilé. L’enquête CSEP/LH2 a révélé que ces<br />

formes d’irrespect ou de mépris étaient ressenties par les<br />

femmes comme étant liées au fait d’être une femme, et<br />

donc comme relevant d’une forme de sexisme ordinaire.<br />

L’incivilité sélective (Cortina, 2011) constituerait un moyen<br />

masqué, (grâce à des formules du genre «Je ne t’avais pas<br />

vue», «je suis dans un mauvais jour», «je pensais que vous<br />

aviez fini de parler»), d’exprimer ses préjugés, sans ouverte -<br />

ment se référer au sexe de la personne 76 . Ainsi, dans<br />

certains cas, l’incivilité ou les formes d’irrespect ne sont<br />

pas aussi générales qu’elles en ont l’air, et constituent la<br />

manifestation voilée de biais sexistes sur le lieu de travail,<br />

qui ostracise les femmes.<br />

Les femmes : une cible privilégiée<br />

Plusieurs recherches empiriques menées dans différents<br />

secteurs d’activités (avocats, administrations) ont mis en<br />

évidence que les femmes disaient être plus fréquemment<br />

confrontées à des formes d’irrespect au travail que les<br />

hommes 77 . Ces résultats sont proches de l’analyse sexuée<br />

réalisée dans l’enquête Sumer 78 qui met en évidence que<br />

les femmes sont plus nombreuses que les hommes à<br />

exprimer le fait d’avoir fait l’objet de « comportements<br />

méprisants», caractérisés notamment par les propositions<br />

suivantes : (vous ignore, fait comme si vous n’étiez pas là,<br />

vous empêche de vous exprimer, vous ridiculise en public).<br />

Enfin, une récente Enquête Eléas 79 , relative aux incivilités<br />

au travail, révèle également que les femmes déclarent plus<br />

souvent faire l’objet d’incivilités : près d’une femme sur<br />

deux (47%) dit subir des incivilités au travail.<br />

Ainsi les incivilités prennent des formes diverses et<br />

l’ambiguïté inhérente aux conduites irrespectueuses qui<br />

peuvent passer pour des comportements n’ayant aucun<br />

lien avec le sexe de la personne doit donc être levée pour<br />

dévoiler le sexisme masqué de ce type d’irrespect au<br />

quotidien.<br />

3.3. La police des codes sociaux de sexe :<br />

un sexisme ambivalent<br />

Troisième forme de sexisme ordinaire dans le monde du<br />

travail, l’obligation de se conformer aux stéréotypes de<br />

sexe, ou encore, pour reprendre une expression de Konik<br />

et Cortina 80 , la police des codes sociaux de sexe.<br />

Cette forme de sexisme est très liée aux assignations faites<br />

aux femmes et aux hommes de se conformer aux rôles<br />

sociaux de sexe. Même si elle touche aussi bien les<br />

femmes que les hommes, les conséquences n’en sont<br />

pas identiques, surtout dans les métiers à prédominance<br />

masculine ou dans les postes de gouvernance.<br />

Des formes à la fois ouvertes et masquées<br />

d’expression de cette forme de sexisme<br />

Cette police des codes sociaux de sexe peut se traduire<br />

par des réflexions portant sur le comportement d’une<br />

personne considérée par ses collègues ou son supérieur<br />

comme violant les prescriptions de ce qui est dit «féminin»<br />

ou «masculin»: propos et épithètes dévalorisants appliqués<br />

aux femmes de pouvoir comme «femme dragon», «reine<br />

mère»; réflexions sur le fait qu’une femme manager ne peut<br />

pas avoir des intérêts pour des sujets traditionnellement<br />

masculins; remarques déplorant l’absence de féminité<br />

d’une femme dont on dit qu’elle est «un vrai mec» ou son<br />

agressivité, alors même que ces jugements, appliqués à des<br />

hommes, sont vécues comme des louanges.<br />

Des injonctions paradoxales<br />

Les femmes engagées dans les métiers à prédominance<br />

masculine ou à des postes à responsabilité doivent s’adapter<br />

aux codes et aux valeurs d’un environnement masculin.<br />

Pour échapper aux processus de stigmatisation, elles sont<br />

dès lors confrontées à une double contrainte: maîtriser une<br />

gestion conforme aux codes dits «masculins», tout en<br />

démontrant leur appartenance à la catégorie femme 81 .<br />

76 - Lilia Cortina, Dana Kabat-farr, Emily Leskinen, Marisela Huerta and Vicki J. Magley, Selective incivility as modern discrimination in organizations: Evidence and<br />

Impact, Journal of management, Journal of Management, september 1, 2011, (Work place Incivility Scale).<br />

77 - Lilia Cortina, Unseen injustice: incivility as modern discrimination in organizations, Academy of Management Review, 2008,vol 33, n°1, 55-75.<br />

78 - Martine Léonard, Sigolène Morand, Nicolas Sandret (DGT- IMT) Marine Cavet, Thomas Coutrot, Géraldine Labarthe, Raphaëlle Rivalin (Dares), Les femmes et<br />

les hommes face à leurs conditions de travail, enquête SUMER, 21 octobre 2013<br />

79 - Enquête menée du 20 février au 6 mars 2014, sur 1008 salarié-e-s français métropolitains âgés de 16 ans et plus. Interviews recueillies via un questionnaire<br />

administré par internet, durée du questionnaire 18 minutes<br />

80 - Julie Konik, Lilia M. Cortina, Policing gender at work : Intersections of harassment based on Sex and sexuality, Soc Jus Res, 2008, 21 p 313-337, et Emily A.<br />

Leskinen and Lilia M. Cortina, Dimensions of disrespect :Mapping and Measuring Gender Harassment in Organizations, Psychology of Women Quarterly,<br />

2014, vol. 38 p 107-123.<br />

81 - BREF du Cereq, Femmes dans des « métiers d’hommes » entre contraintes et déni de légitimité, opus cité<br />

PREMIÈRE PARTIE<br />

<strong>LE</strong> <strong>SEXISME</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>MONDE</strong> <strong>DU</strong> <strong>TRAVAIL</strong> :<br />

Invisibilité, Jeu de masques et déni<br />

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