You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
II – DÉVOI<strong>LE</strong>R<br />
Pour objectiver le phénomène du sexisme au travail et<br />
mieux connaître l’étendue et la variété des expériences<br />
quotidiennes du sexisme, ses cibles privilégiées, sa<br />
fréquence et son coût pour les salarié-e-s qui le subissent<br />
et pour l’entreprise, il apparaît indispensable de multiplier<br />
les enquêtes, voire de créer des indicateurs pour mesurer<br />
certaines manifestations de sexisme.<br />
A - Mesurer le sexisme dans des enquêtes<br />
publiques pour évaluer sa prévalence<br />
et son coût<br />
1 - Dans les enquêtes générales<br />
Enquêtes sur les conditions de travail<br />
Les enquêtes sur les conditions de travail et les relations<br />
professionnelles comportent d’ores et déjà des questions<br />
relatives au malaise au travail, qui peut avoir pour origine<br />
une mauvaise articulation des temps ou des interactions<br />
professionnelles délicates. A cet égard, plusieurs indicateurs<br />
visent à évaluer les comportements hostiles, méprisants,<br />
les violences y compris sexuelles 192 et le mal-être au travail.<br />
Toutefois, elles n’abordent que très rarement la question<br />
du sexisme ordinaire et des stéréotypes de sexe en tant<br />
que tels, dans le cadre des relations de travail.<br />
- L’enquête « Conditions de travail », menée par la<br />
Dares, tous les sept ans, qui évalue notamment le<br />
ressenti des salarié-e-s au regard de « la satisfaction et<br />
des difficultés au travail », inclut désormais des questions<br />
visant à évaluer le lien de causalité existant entre certains<br />
comportements visés dans la vie quotidienne au travail et<br />
un motif de discrimination (sexe, état de santé, couleur<br />
de peau, etc.). Citons par exemple cette question posée<br />
dans l’enquête 2013: «Une ou plusieurs personnes se<br />
comportent systématiquement avec vous de la manière<br />
suivante: «vous ignore, fait comme si vous n’étiez pas<br />
là», «vous empêche de vous exprimer», «vous critique<br />
en public », « critique injustement votre travail », […],<br />
«vous dit des choses obscènes ou dégradantes» etc.».<br />
Ces questions, introduites à la suite des recommandations<br />
du collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux<br />
au travail 193 , peuvent permettre de faire un lien entre les<br />
comportements hostiles et le sexe des personnes. La<br />
dernière enquête «Conditions de travail» semble révéler,<br />
en première analyse, que les femmes sont nettement plus<br />
nombreuses que les hommes à faire le lien entre comporte -<br />
ments hostiles et le fait qu’elles soient des femmes.<br />
Si cette évolution présente un certain progrès dans l’éva -<br />
luation des risques liés aux relations interpersonnelles, la<br />
formulation utilisée décrit essentiellement des comporte -<br />
ments ouvertement hostiles 194 . Or, comme il a été vu<br />
précédemment, le sexisme ordinaire ne s’exprime pas<br />
toujours sous la forme d’une hostilité manifeste et explicite.<br />
Une réflexion doit être conduite au sein du comité scienti -<br />
fique afin de pouvoir réaliser une analyse plus complète de<br />
l’étendue et de la variété des expériences quotidiennes du<br />
sexisme.<br />
- L’enquête Sumer : Si des questions équivalentes figurent<br />
également dans l’auto-questionnaire adressé aux individus,<br />
cette enquête périodique (2003, 2010), réalisée par la<br />
Dares sur les conditions de travail exposant aux dangers<br />
et aux risques en général, ne prévoit aucun indicateur<br />
permettant d’établir un lien entre ces comportements et<br />
le sexe des personnes. S’il est fort probable que des<br />
questions liées aux critères de discrimination soient inté -<br />
grées à l’avenir, ce questionnaire gagnerait à comporter<br />
des questions plus précises sur les comportements,<br />
attitudes ou propos plus implicites, et notamment<br />
l’humour, les stéréotypes négatifs, la séduction comme<br />
mode relationnel imposé, les techniques d’exclusion etc.<br />
- Par ailleurs, une enquête spéciale doit être menée<br />
par la Dares en 2015 sur les risques psychosociaux.<br />
Cette enquête prévoit un indicateur qui permet d’interroger<br />
les salarié-e-s sur le lien existant entre les comportements<br />
hostiles ou méprisants et le sexe des salarié-e-s. Cette<br />
étude essayera notamment d’analyser la fréquence de<br />
ces comportements en lien avec la mixité du milieu de<br />
travail, la position professionnelle ainsi que les modalités<br />
d’organisation du travail. Dans le cadre de la réflexion<br />
engagée par le CSEP, la DARES a accepté d’introduire<br />
une question nouvelle sur la fréquence des blagues<br />
envers les femmes.<br />
192 - La prise en compte de ces phénomènes découle en grande partie de l’introduction d’une protection des salariés de harcèlement moral dans le Code du<br />
travail en 2002 et de la signature des différents ANI, notamment sur le harcèlement moral et les violences<br />
193 - Mesurer les facteurs psychosociaux de risque au travail pour les maîtriser, Rapport du Collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail,<br />
faisant suite à la demande du Ministre du travail, de l’emploi et de la santé (2011), dit rapport Gollac<br />
194 - «Au cours des douze derniers mois, vous est-il arrivé de vivre les situations difficiles suivantes : Une ou plusieurs personnes se comporte(nt) systématiquement<br />
avec vous de la façon suivante : Vous ignore, fait comme si vous n’étiez pas là ? Vous empêche de vous exprimer ? Vous ridiculise en public ? Critique<br />
injustement votre travail ? Vous charge de tâches inutiles ou dégradantes ? Sabote votre travail, vous empêche de travailler correctement? Laisse entendre<br />
que vous êtes mentalement dérangé ? Vous dit des choses obscènes ou dégradantes ? Vous fait des blagues blessantes ou de mauvais goût, se moque<br />
de vous ? », si le travailleur le pense motivé par « [son] sexe (le fait d’être un homme ou une femme) ? [son] état de santé ou handicap ? [sa] couleur de peau?<br />
[ses] origines ou [sa] nationalité ? [son] âge ? autre?»<br />
QUATRIIÈME PARTIE<br />
L’IMPENSÉ, L’INNOMMÉ, <strong>LE</strong> DENIÉ<br />
Reconnaître et conférer une existence légale au sexisme<br />
78