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RECOMMANDATION 18<br />
Codifier la notion d’«agissement en raison du sexe»<br />
sous le libellé d’« agissement sexiste », telle que<br />
prévue à l’article 1 er de la loi N°2008-496 du 27 mai<br />
2008 en ajoutant dans le chapitre II du Titre quatrième<br />
« Egalité professionnelle entre les femmes et les<br />
hommes» du Code du travail, un article L. 1142-21<br />
ainsi libellé: «Nul ne doit subir d’agissement sexiste,<br />
défini comme tout agissement en raison du sexe,<br />
ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à<br />
sa dignité ou de créer un environnement intimidant,<br />
hostile, dégradant, humiliant ou offensant»<br />
Préciser le type de comportements visés par cette<br />
qualification juridique<br />
Comme toute notion récemment introduite dans le<br />
paysage juridique, les contours de l’agissement sexiste<br />
méritent d’être affinés par la jurisprudence.<br />
A cet égard, il convient de rappeler qu’au moment de<br />
l’introduction en droit français de la notion de harcèlement<br />
moral, nombreux étaient ceux qui la qualifiait de notion<br />
floue, fourre-tout. Une des craintes soulevées portait et<br />
porte encore sur le fait que la reconnaissance du<br />
harcèlement moral comporte une part de subjectivité.<br />
Néanmoins, la jurisprudence a brossé, depuis plus de dix<br />
ans, un tableau relativement précis des agissements et<br />
situations reconnus comme relevant du harcèlement moral:<br />
pression continuelle, reproches incessants, mise à l’écart,<br />
mépris 197 , attitudes gestes et paroles déplacés 198 .<br />
Afin de préciser les contours de l’agissement sexiste, il<br />
convient de rappeler au préalable que, comme en matière<br />
de harcèlement moral et de discrimination en droit du<br />
travail, le caractère conscient ou inconscient de l’agissement<br />
ou des agissements sexistes est sans importance. Ainsi<br />
l’interdiction de l’agissement ou des agissements sexistes<br />
ne vise pas à rechercher si la personne a agi de manière<br />
intentionnelle ou non, de façon consciente ou non. Comme<br />
le rappelle la Commission pour l’égalité en Irlande, l'intention<br />
de l'auteur de l’agissement sexiste est sans importance et<br />
le fait que l'auteur n'ait pas eu l'intention de faire subir des<br />
agissements sexistes n’est pas un moyen de défense.<br />
Malgré l’absence d’une jurisprudence abondante sur la<br />
question, il est néanmoins possible à ce stade de donner<br />
des précisions sur le type de comportements visés par<br />
cette qualification juridique, au regard de la jurisprudence<br />
étrangère.<br />
Ainsi, il apparaît que les propos ou écrits abusifs, images,<br />
graffitis, gestes, expressions faciales, plaisanteries, farces,<br />
toute conduite qui dénigre, ridiculise ou intimide un-e<br />
salarié-e en raison de son sexe mais aussi les insultes ou<br />
les abus dégradant la personne, l’isolement ou l’exclusion<br />
des activités sociales ou encore les pressions sur un-e<br />
salarié-e en raison de son sexe pour qu’il/elle se comporte<br />
d’une manière qu’il/elle considère inappropriée, peuvent,<br />
de manière isolée ou répétée, selon leur gravité, être<br />
susceptibles d’entrer dans le champ d’application de<br />
l’agissement sexiste lorsqu’ils portent atteinte à la dignité<br />
de la personne ou dégradent l’environnement de travail.<br />
Les trois éléments nécessaires pour établir la responsabilité<br />
pour harcèlement discriminatoire, au vu des jurisprudences<br />
étrangères, pourraient être :<br />
1- Est-ce que l’auteur a eu une conduite irrespectueuse?<br />
2- Est-ce que le comportement en question a pour objet ou<br />
pour effet de porter atteinte à la dignité du demandeur ou<br />
de créer un environnement défavorable?<br />
3- La conduite est-elle fondée sur le sexe de la personne?<br />
Ainsi, donc, au vu de l’ensemble de ces éléments, il<br />
appartiendra au juge de se prononcer sur l’existence<br />
d’agissement(s) sexiste(s), en fonction d’un faisceau<br />
d’indices tenant compte du contexte dans lequel<br />
l’agissement ou les agissements sexistes se seront<br />
produits, de la répétition ou non du comportement visé,<br />
(selon qu’il s’agit d’un fait isolé mineur ou d’un fait isolé<br />
grave ou de faits certes mineurs mais qui du fait de leur<br />
accumulation emportent une certaine gravité), du ressenti<br />
de la personne, d’autant que le seuil de tolérance au<br />
sexisme se révèle très différent selon les personnes et des<br />
effets objectifs produits sur la dignité de la personne ou<br />
l’environnement de travail.<br />
Compte tenu de la méconnaissance du principe d’agisse -<br />
ment en raison d’un motif de discrimination, appelé<br />
harcèlement discriminatoire par l’administration du travail,<br />
il apparaît indispensable que cette décision soit accom -<br />
pagnée d’une circulaire du ministère du travail afin que la<br />
notion de sexisme soit explicitée et largement diffusée, en<br />
reprenant les définitions présentées dans la partie<br />
«nommer le sexisme».<br />
RECOMMANDATION 19<br />
Recommander au Ministère du Travail de rédiger<br />
une circulaire explicitant la notion d’« agissement<br />
en raison du sexe» ou d’«agissement sexiste», en<br />
indiquant les types d’agissements pouvant entrer<br />
dans le champ d’application du 1° de l’article 1 er de<br />
la loi du 27 mai 2008 et communiquer largement sur<br />
ce point<br />
197 - Cass. Soc., 10 novembre 2009, n° 07-45.321<br />
198 - Cass. Soc., 24 octobre 2012, n° 11-20085<br />
QUATRIIÈME PARTIE<br />
L’IMPENSÉ, L’INNOMMÉ, <strong>LE</strong> DENIÉ<br />
Reconnaître et conférer une existence légale au sexisme<br />
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