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LE SEXISME DANS LE MONDE DU TRAVAIL

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RAPPORT SUR <strong>LE</strong> <strong>SEXISME</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>MONDE</strong> <strong>DU</strong> <strong>TRAVAIL</strong><br />

ENTRE DÉNI ET RÉALITÉ<br />

- deux définitions codifiées, issues de la loi du 6 août 2012,<br />

qui prohibent soit des actes répétés, soit des actes isolés<br />

en usant de pressions graves dans le but réel ou<br />

apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle ;<br />

- une définition, issue de la loi du 27 mai 2008, non<br />

codifiée, qui prohibe des actes isolés sans qu’il soit<br />

nécessaire de démontrer l’usage de pression, qui a pour<br />

objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité ou de<br />

dégrader l’environnement de travail.<br />

A cet égard, dans un arrêt définitif du 17 février 2011 131 , la<br />

Chambre sociale de la Cour d’appel d’Orléans a reconnu<br />

l’existence d’agissements à connotation sexuelle au sens<br />

de la loi du 27 mai 2008.<br />

Arrêt du 17 février 2011, Cour d’appel D’Orléans<br />

Dans cette affaire, une garde d’enfants à domicile a pris acte de<br />

la rupture de son contrat de travail en raison du harcèlement<br />

sexuel de son employeur, au motif que son employeur lui a<br />

demandé de venir au lit avec lui pour faire la sieste. Si Monsieur<br />

S reconnait avoir invité cette jeune femme à faire la sieste avec<br />

lui, il considère que cette situation ne saurait être constitutive<br />

d’une atteinte à la dignité puisque tout laissait supposer qu’elle<br />

accepterait. Pour la Cour, « ces faits sont plutôt à ranger dans le<br />

cadre de la loi du 27 mai 2008 qui proscrit fermement, en son<br />

article un, tout agissement à connotation sexuelle subi par une<br />

personne ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa<br />

dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant,<br />

humiliant ou offensant ».<br />

Toutefois, nonobstant la largeur du champ d’application,<br />

le critère de connotation sexuelle n’est pas adapté à toutes<br />

les manifestations du sexisme ordinaire. Si la notion de<br />

discrimination s’est considérablement élargie et complexifiée,<br />

cette « profusion » du concept n’est pas sans poser de<br />

problème, notamment pour celui qui souhaite s’assurer<br />

que le traitement dont il fait l’objet relève de la discrimi -<br />

nation ou du harcèlement, sachant que le harcèlement est<br />

aussi une discrimination, mais que son champ d’application<br />

est très différent :<br />

- dans le cas de la discrimination directe ou indirecte en<br />

raison du sexe, il s’agit d’une différence de traitement<br />

d’une ou de plusieurs personnes en raison du sexe par<br />

rapport à d’autres personnes du sexe opposé placées<br />

dans une situation comparable ;<br />

- dans le cas du harcèlement sexuel ou du harcèlement<br />

discriminatoire, il s’agit d’un mauvais traitement, ou<br />

d’une mauvaise conduite à l’égard d’une personne portant<br />

atteinte à sa dignité et créant un environnement de travail<br />

dégradé.<br />

b. Deux instruments juridiques qui émergent<br />

et qui peuvent offrir une voie de reconnaissance<br />

du sexisme ordinaire<br />

Deux instruments juridiques ressortent, celui de discrimi -<br />

nation indirecte et celui du harcèlement discriminatoire,<br />

dont il convient d’analyser s’ils permettent d’appréhender<br />

les comportements et attitudes qualifiés de sexisme ordinaire.<br />

- La discrimination indirecte : un outil pour combattre<br />

les discriminations masquées ?<br />

La loi de transposition du droit communautaire du 27 mai<br />

2008 définit ainsi la discrimination indirecte : « Constitue une<br />

discrimination indirecte une disposition, un critère ou une<br />

pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner,<br />

pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un<br />

désavantage particulier pour des personnes par rapport à<br />

d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère<br />

ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but<br />

légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient<br />

nécessaires et appropriés ».<br />

Ce principe vise à faire apparaitre le caractère discriminatoire<br />

de pratiques masquées. A cet égard, en visant les pratiques,<br />

neutres en apparence, susceptibles d’entraîner une différence<br />

de traitement d’un groupe de personnes par rapport à<br />

d’autres personnes en raison du sexe, il est possible, dans<br />

une certaine mesure, de pouvoir traquer certaines des formes<br />

insidieuses du sexisme ordinaire. Ainsi, par exemple, une<br />

culture d’entreprise se traduisant par des comportements<br />

d’incivilités, non explicitement fondés sur le sexe mais dont il<br />

serait mis en évidence qu’ils visent indirectement et de<br />

manière disproportionnée les femmes, pourraient sans doute<br />

être appréhendés sous l’angle de la discrimination indirecte.<br />

De la même manière, des évaluations comportant des<br />

mentions ou un vocabulaire viril 132 pour les hommes du<br />

type est «très combatif» «conquérant», «saura faire preuve<br />

d’autorité», «solide», «puissant», «disponible», «a du sang<br />

froid», et, pour les femmes, l’usage d’un langage tel que«<br />

bienveillante » ou « sensible » « à l’écoute » peut dans un<br />

certaine mesure, si ces évaluations sont analysées et<br />

mettent en évidence une différence de traitement dans la<br />

progression de carrière des femmes, constituer une pratique<br />

constitutive d’une discrimination indirecte ou systémique.<br />

Toutefois un/e salarié/e isolé/e aura difficilement accès aux<br />

évaluations de ses collègues pour procéder à cette compa -<br />

raison, à moins de saisir le Défenseur des Droits qui, grâce<br />

à ses pouvoirs d’instruction, sera en mesure de recueillir<br />

l’ensemble des éléments jugés pertinents pour s’assurer<br />

du caractère véritablement neutre du point de vue du sexe<br />

de la pratique en cause.<br />

131 - N°RG : 10/01151<br />

132 - André Ndobo, Biais sexistes et marques d’inégalité de genre dans le discours des recruteurs : un effet de la persistance des discriminations sexistes dans<br />

l’accès au travail, Revue internationale de psychologie sociale, 2009<br />

DEUXIÈME PARTIE<br />

<strong>LE</strong> <strong>SEXISME</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> DROIT :<br />

Quasi-inexistence ou approche floutée<br />

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