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d’impunité ou de permissivité face à des comportements<br />
de sexisme ordinaire, perçus comme anodins, alors même<br />
qu’il s’agit de ceux qui sont les plus répandus.<br />
- Une timide émergence de la prise en compte juri -<br />
dique du sexisme ordinaire<br />
Une évolution tant européenne que nationale se dessine,<br />
depuis 2002, qui témoigne d’une prise en compte plus<br />
marquée des formes ordinaires de sexisme au travers des<br />
notions de harcèlement à raison du sexe ou d’agissements<br />
à raison du sexe. Il conviendra donc d’analyser le destin de<br />
ces notions et leur intégration dans la jurisprudence pour<br />
voir si elles sont adaptées ou demeurent insuffisantes.<br />
Tel est donc le fil rouge de notre analyse : identifier, dans<br />
les instruments juridiques internationaux, européens et<br />
nationaux, à travers les évolutions de ces trente dernières<br />
années, les dispositions susceptibles de cibler le sexisme<br />
ordinaire dans le monde du travail et analyser leur efficacité.<br />
I. <strong>LE</strong>S INSTRUMENTS INTERNATIONAUX<br />
DES NATIONS UNIES : une absence de référence<br />
a la notion de sexisme au profit des notions<br />
de discrimination et de violence<br />
L’analyse portera à la fois sur la Convention pour l’élimination<br />
de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes<br />
(CEDEF), sur les recommandations du comité associé et sur<br />
les travaux de la Commission de la condition de la femme au<br />
sein de l’Organisation des Nations Unies (ONU).<br />
1.1. Le sexisme introuvable<br />
La Convention pour l’élimination de toutes les formes de<br />
discriminations à l’égard des femmes (CEDEF), adoptée<br />
en 1979 par l’Assemblée générale des Nations Unies et<br />
entrée en vigueur, en France, en 1981, n’utilise jamais le<br />
mot «sexisme». Ce constat est d’autant plus étrange qu’on<br />
constate une asymétrie forte avec la Convention interna -<br />
tionale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination<br />
raciale (CEDR), entrée en vigueur dix ans plus tôt, en 1969,<br />
et avec la teneur des recommandations de son comité.<br />
◗ La CEDR recourt à deux reprises à l’utilisation de l’adjectif<br />
« raciste », dans son préambule (considérant 10) et à<br />
l’article 4 107 . Il est ainsi rappelé que l'article 4 vise à<br />
décourager le racisme et la discrimination raciale ainsi<br />
que les activités qui incitent à la discrimination raciale et<br />
l'encouragent 108 .<br />
◗ Dans le cadre des recommandations formulées par le<br />
Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, la<br />
notion de racisme est régulièrement convoquée.<br />
L’intitulé de «La conférence mondiale contre le racisme, la<br />
discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance » en<br />
est un autre exemple.<br />
Plus encore, et la paradoxe est fort, le comité CEDR utilise<br />
les mots «sexo spécifiques » et «sexiste», dans l’une de<br />
ses recommandations générales: «Afin d’appréhender les<br />
discriminations intersectionnelles dont peuvent faire l’objet<br />
les personnes en raison de leur origine, le comité entend<br />
s'employer énergiquement à intégrer une perspective et<br />
un élément analytique sexospécifiques et à encourager<br />
l'emploi d'une terminologie non sexiste dans ses travaux<br />
de session consacrés à l'examen des formes de discri -<br />
mination raciale. Sur le plan méthodologique, pour assurer<br />
pleinement la prise en considération de la dimension<br />
107 - Préambule de la CEDR : « Résolus à adopter toutes les mesures nécessaires pour l'élimination rapide de toutes les formes et de toutes les manifestations<br />
de discrimination raciale et à prévenir et combattre les doctrines et pratiques racistes afin de favoriser la bonne entente entre les races et d'édifier une<br />
communauté internationale affranchie de toutes les formes de ségrégation et de discrimination raciales. […]<br />
Article 4 CEDR : « A déclarer délits punissables par la loi toute diffusion d'idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, toute incitation à la discrimination<br />
raciale, ainsi que tous actes de violence, ou provocation à de tels actes, dirigés contre toute race ou tout groupe de personnes d'une autre couleur ou d'une<br />
autre origine ethnique, de même que toute assistance apportée à des activités racistes, y compris leur financement »<br />
108 - Recommandation générale no. 07, Législation visant à éliminer la discrimination raciale, (Trente-deuxième session, 1985), U.N. Doc. A/40/18<br />
DEUXIÈME PARTIE<br />
<strong>LE</strong> <strong>SEXISME</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> DROIT :<br />
Quasi-inexistence ou approche floutée<br />
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