oppresseur, dans lesquelles elles pourraient ancrer une recherche d’identité, ou des « racines culturelles ». Les mythes d’origine féminins (matriarcat primitif, Amazones, etc.), depuis longtemps réfutés, ne sont précisément que des mythes. Et puis, et c’est sans doute la différence principale avec le racisme, «seul le sexisme repose sur une double image du groupe opprimé, les femmes, image ambivalente, à la fois positive et négative, mais aux deux facettes également développées, qui renvoie schémati - quement au couple mère et putain » 2 (Kandel, 2012). Peut-être aussi et surtout parce que ce terme apparait comme un mot valise, qui vise à la fois des actes clairement incriminés dans notre droit, comme ce qui relève de la discrimination, du harcèlement, des violences ou de l’agression sexuelle, et des actes qui semblent plus anodins, ceux de la vie de tous les jours, du ressort de l’humour ou du non-dit des stratégies d’exclusion, visibles ou insidieuses, conscientes ou non, qui peuvent être rassemblés sous le vocable de sexisme ordinaire. Car telle est bien la question : où se situe la limite entre les actes, propos, attitudes acceptables et ceux qui ne le sont pas ? Entre les propos blessants et humiliants et les propos humoristiques ? « Comment mettre des limites (…) sans tomber dans une correction, un moralisme ou un purisme politique exagéré ou sans porter atteinte à d’autres libertés comme la liberté d’expression ? 3 ». Et pourtant, depuis près de cinq ans, cette notion de sexisme dit ordinaire semble faire l’objet d’une attention nouvelle, par le biais d’une reconnaissance du rôle des stéréotypes de sexe, comme en témoignent quelques initiatives de la société civile 4 et des partenaires sociaux, dans la suite des Accords Nationaux Interprofessionnels (ANI). Citons celui du 1 er mars 2004 relatif à la mixité et à l’égalité professionnelle et celui du 19 juin 2013 vers une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle, qui mentionnent explicitement la nécessité de lutter contre les stéréotypes de sexe 5 . L’émergence sur la scène médiatique française de la notion de harcèlement de rue, suite à la vidéo de l’étudiante belge Sofie Peeters, a aussi contribué à rendre plus visible le phénomène du sexisme, même si les deux univers ne sont pas comparables. En revanche, peu d’actions ou d’initiatives, tant de la part des pouvoirs publics que des entreprises, semblent être mises en place pour traiter ce phénomène. L’objet de ce rapport du CSEP est donc bien de faire émerger et de consolider la notion de sexisme ; il est, au sein de celle-ci, de mieux définir ce que nous nommons, par commodité, le sexisme ordinaire, cet « eveyday sexism 6 » dont parlent les anglo saxons, qui ne relève pas aujourd’hui de la discrimination avérée, du harcèlement ou de l’agression sexuelle, afin d’en faire une notion neutre, non sujette à contestation, consensuelle et partagée par l’ensemble des femmes et des hommes. Cela passe inévitablement par une objectivation du phénomène et par l’identification des actes et comporte - ments qui le caractérisent. Certes les entreprises sont intégrées dans un contexte sociétal lui-même empreint de stéréotypes de sexe : l’école, les médias, la famille, la rue, les pratiques sportives, toutes les instances de socialisation participent de cette diffusion des rôles sexués et des injonctions parfois invisibles à s’y conformer. Pour autant, la responsabilité des entreprises est réelle. Par ailleurs, pour mieux cibler son objet, le CSEP a centré son étude sur les seules entreprises sans prendre en compte la fonction publique secteur qui relève d’autres instances de consultation et dont les mécanismes de mise en œuvre du sexisme, quoique très proches, reposent également sur d’autres facteurs. Pour réaliser ce rapport, le CSEP s’est appuyé sur différents corpus, et notamment la littérature et la recherche en psychologie sociale, le droit, la sociologie ou l’histoire, sur des auditions de chercheurs/experts (sociologie, droit, psychologie sociale, annexe 1), enfin, sur une analyse des normes juridiques internationales, étrangères, européennes et nationales existantes. Après avoir défini le sexisme et, au sein de celui-ci, le sexisme ordinaire, présenté ses différentes manifestations, et mis en évidence la difficulté qu’ont les personnes à y faire face et les effets délétères qu’il produit (I), le CSEP se posera la question des instruments juridiques existants, de leur capacité ou non à appréhender ce phénomène (II) et des politiques en matière de ressources humaines ou de management mises en œuvre au sein des entreprises en la matière (III). Enfin, il formulera des recommandations à destination des pouvoirs publics et des acteurs de l’entreprise afin de construire des outils efficaces à même de réguler les comportements de sexisme dans l’entreprise (IV). 2 - Liliane Kandel, Sexisme-Racisme, vraies alliance ou faux-amis ? « Le féminisme à l’épreuve des mutations géopolitique, 40 ans du ML », éd. racine de ixe, 2012, p214. 3 - Institut pour l’Egalité des femmes et des hommes, Belgique, Définition du concept de « sexisme », 2009, p. 7 4 - Citons ainsi Brigitte Grésy, Petit traité contre le sexisme ordinaire, 2009, Albin Michel ; le site des Nouvelles News, doté d’une rubrique spéciale sur le sexisme ordinaire, le site www.sexismeordinaire.com; Le site Vie de meuf crée en 2012 par l’association Osez le féminisme, et plus récemment, en 2014, Macholand etc. 5 - Cf partie II 6 - Laura Bates, Everyday sexism, The project that inspired a worldwide movement, éd. Simon&Schuster, 2014 12
RAPPORT SUR <strong>LE</strong> <strong>SEXISME</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>MONDE</strong> <strong>DU</strong> <strong>TRAVAIL</strong> ENTRE DÉNI ET RÉALITÉ PREMIÈRE PARTIE <strong>LE</strong> <strong>SEXISME</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>MONDE</strong> <strong>DU</strong> <strong>TRAVAIL</strong> Invisibilité, Jeu de masques et déni 13