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d’une terminologie souvent stigmatisante<br />

et qui est largement relayée par les médias.<br />

Plusieurs pays tels que l’Espagne ont élaboré<br />

un guide de style qui permet une présentation<br />

plus correcte dans ces situations et un langage<br />

plus respectueux des malades. Les échanges<br />

ont mis l’accent sur la diversité des étiquettes<br />

affublées à des personnes qui peuvent être<br />

à la fois malade, mais aussi professionnel de<br />

santé et qui, dans certaines situations vont<br />

s’identifier à telle ou telle représentation. Pour<br />

préciser ce point, un intervenant a évoqué<br />

son problème de motricité, problème qui<br />

le mettait en situation de handicap mais ne<br />

le définissait pas comme un handicapé ;<br />

quand il était debout, il était en situation de<br />

handicap, quand il était assis, il ne l’était plus.<br />

Je voudrais encore aborder les soins sans<br />

consentement. Notre collègue d’Athènes<br />

vient de nous expliquer la situation en Grèce.<br />

Il a donné des chiffres qui sont quand même<br />

assez impressionnants. Il nous a expliqué<br />

qu’à l’hôpital psychiatrique d’Athènes,<br />

52 % des malades sont hospitalisés sans<br />

consentement, 30 % d’entre eux n’ont pas<br />

de diagnostic et 40 % ont un diagnostic nonargumenté.<br />

Ces chiffres soulèvent la question<br />

du respect des droits des individus. On peut<br />

se dire que cette question concerne Athènes<br />

mais les discutants de la table-ronde ont<br />

également évoqué le problème en France<br />

avec la présentation du malade devant le juge<br />

des libertés dans un délai entre 12 à 15 jours,<br />

ce qui est prévu dans les textes, alors que les<br />

personnes qui font un délit sont vues dans les<br />

48 h. Rester à l’hôpital psychiatrique, recevoir<br />

un traitement sans son consentement<br />

pendant quinze jours avant de rencontrer<br />

le juge des libertés qui va peut-être statuer<br />

sur le fait que l’hospitalisation n’était pas<br />

nécessaire est quand même ennuyeux, donc<br />

une recommandation pourrait aller vers des<br />

délais qui pourraient être identiques à celui<br />

des gardes à vue par exemple. Les problèmes<br />

de non-respect des droits sont revenus à de<br />

nombreuses reprises dans les échanges où<br />

des participants ont rappelé leur souhait de<br />

n’avoir « aucun traitement forcé, interdiction<br />

de la torture et de la médication forcée ». Pour<br />

terminer, je voudrais revenir sur le dernier point<br />

qui était la position de victime des usagers.<br />

C’est un sujet qui nous intéresse parce qu’on<br />

travaille beaucoup sur les problèmes de la<br />

stigmatisation et de l’auto-stigmatisation et un<br />

intervenant nous a dit « Moi, si je commence<br />

à dire que je suis stigmatisé à mon psychiatre,<br />

je sais ce qu’il va faire, il va imaginer que je<br />

pense qu’on me veut du mal, que je ne suis<br />

pas bien considéré, donc il va penser que<br />

mon délire est renforcé et je vais me retrouver<br />

avec un ajustement de traitement ». Dans<br />

l’étude INDIGO, ce qui est bien montré,<br />

c’est qu’à côté de la stigmatisation vécue<br />

et expérimentée, il y a une stigmatisation qui<br />

est plus difficile à prendre en compte et plus<br />

invalidante, c’est la stigmatisation anticipée<br />

et donc évitée. On est dans le domaine de<br />

l’auto-stigmatisation, elle est internalisée et<br />

liée à un effondrement de l’estime de soi. Les<br />

gens subissent la situation à laquelle ils sont<br />

confrontés et se limitent eux-mêmes. On voit<br />

que les thérapeutes qui travaillent sur l’estime<br />

de soi tentent d’éveiller une légitime colère vis<br />

à vis de ces préjugés.<br />

Au final, il nous apparait que la lutte<br />

contre la stigmatisation repose moins sur<br />

les campagnes grand public, telles que<br />

les campagnes d’affichage, mais plutôt en<br />

soutenant la personne qui n’accepte pas le<br />

statut que lui réserve la société. C’est cette<br />

notion de victimisation qui va faire bouger les<br />

choses. Je vais m’arrêter là, je vous remercie<br />

de votre attention.<br />

Chantal Roussy : Est-ce qu’il y a<br />

des usagers qui veulent réagir sur la très<br />

brillante intervention de M. Giordana ? À ce<br />

moment-là, je vais ouvrir la parole. Je pense<br />

effectivement que, quand on est dans un<br />

hôpital psychiatrique, on fait attention à ce<br />

qu’on fait, on a toujours peur de l’interprétation<br />

par son psychiatre. On a tous des moments<br />

de fragilités ou de faiblesses et on le dit à<br />

notre voisin, famille, mais dans un hôpital<br />

psychiatrique, on fait très attention. Il faut le<br />

savoir, on ne dit pas tout au psychiatre !<br />

Intervention du public : Juste un<br />

exemple à la lumière de ce qui vient d’être<br />

dit sur comment, effectivement, le fait de<br />

vivre mal une situation peut être porteur<br />

d’une stigmatisation encore plus grande.<br />

Par exemple, c’est l’expérience des gens qui<br />

vont au commissariat pour se plaindre de<br />

nuisances sonores de la part de leur voisin<br />

qui risquent aujourd’hui de se retrouver à<br />

l’hôpital psychiatrique parce qu’effectivement<br />

on les prend pour fous.<br />

Dernier point, sortir du statut de victime et<br />

essayer d’échapper à l’auto-stigmatisation.<br />

Je suis psychologue social et je suis<br />

spécialiste du domaine de la stigmatisation<br />

et discrimination et le danger est encore<br />

plus fort que ce que vous dites parce qu’on<br />

a montré qu’il existe un phénomène de<br />

prophétie auto-réalisatrice, c’est à dire que<br />

si on a internalisé sa mauvaise réputation, on<br />

risque de provoquer un effet de miroir et de<br />

l’accroitre, ce qui bien-sûr n’est pas au niveau<br />

contrôlé. C’était juste pour compléter.<br />

Chantal Roussy : Je suis tout à fait<br />

d’accord avec toi, pour une personne qui a<br />

subi des hospitalisations multiples, c’est très<br />

difficile.<br />

Intervention du public : Je voulais<br />

simplement dire un petit quelque chose<br />

afin d’éviter les trop gros problèmes des<br />

personnes qu’on dit handicapées. Pour<br />

échapper à ce système-là, je n’ai pas trouvé<br />

mieux que de prendre mon traitement. Parce<br />

que prendre son traitement, c’est ce qu’il y a<br />

de plus important et si on s’associe avec un<br />

psychothérapeute pour clôturer le tout, on a<br />

déjà fait la moitié du boulot.<br />

Chantal Roussy : Bravo, formidable<br />

expérience.<br />

Applaudissements.<br />

Vincent Noiret : L’impression générale<br />

que j’ai gardée, en particulier après l’intervention<br />

canadienne, me laisse impressionné<br />

par les changements en vue dans le regard<br />

porté sur les personnes atteintes de troubles<br />

psychiques. Il semble important de mettre<br />

l’usager de la psychiatrie, en tant que<br />

personne, au centre des décisions qui la<br />

concernent pour obtenir son accord, tant<br />

au niveau des soins que de son environnement<br />

social et familial. Cette posture permet<br />

d’obtenir des résultats durables et une<br />

meilleure intégration de l’usager dans la<br />

société.<br />

Chantal Roussy : On va passer la parole<br />

à l’atelier 2 !<br />

Kathy Abitbol : Je peux intervenir ?<br />

Chantal Roussy : Oui absolument !<br />

Kathy Abitbol : Bonjour, je suis médiatrice<br />

de santé pair. Je voulais juste rajouter<br />

que nous pouvons appeler des usagers,<br />

des patients, des personnes, tout comme M.<br />

ou Mme X pourrait l’être et pas seulement<br />

en psychiatrie. Nous sommes, finalement,<br />

des individus puisque nous vivons dans une<br />

société. Par rapport à la position de victime<br />

des usagers dans les centres de soins, dans<br />

certains centres de soins en France, il y a des<br />

médiateurs de santé pairs, nous sommes là<br />

pour dire que c’est possible de reprendre sa<br />

vie en main, reprendre du pouvoir sur sa vie,<br />

nous sommes vecteurs d’espoir pour certains<br />

patients qui viennent consulter. La fiche de<br />

poste du médiateur est en construction,<br />

notre place parmi les autres soignants est je<br />

pense nécessaire. Tous ensemble « aidant »,<br />

« patient », « usager », et « professionnels<br />

soignants » pouvons réduire par notre regard<br />

la stigmatisation. Un indicateur fort selon<br />

moi serait la formation et l’embauche de<br />

médiateurs de santé pairs dans la totalité des<br />

centres de soins.<br />

210 AUTONOMISATION / EMPOWERMENT : AGIR AUTREMENT - 4 ème rencontre internationale du CCOMS (Lille, France)<br />

AUTONOMISATION / EMPOWERMENT : AGIR AUTREMENT - 4 ème rencontre internationale du CCOMS (Lille, France)<br />

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