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moments de rencontre et de débat.<br />

Comment j’ai procédé ? J’ai imaginé<br />

impliquer plus de monde et de mieux les<br />

impliquer. J’ai d’abord fait part de mes<br />

rencontres, j’ai dit que j’étais appelée à me<br />

retrouver dans un conseil local de santé<br />

mentale, où on parle avec les élus, les équipes<br />

de soins, avec les gendarmes, urgentistes,<br />

tous les conseils locaux, il faut dire qu’il y en<br />

a trois rien que dans les Pyrénées orientales,<br />

un sur la côte Vermeille à Argelès, un autre à<br />

Prades et on vient de signer celui de la ville<br />

de Perpignan. Ceci fait qu’on a beaucoup<br />

d’occasions d’échanger sur des pratiques<br />

de soin et d’accompagnement dans la<br />

ville. Ça ne suffisait pas d’être présent. J’ai<br />

proposé d’expliquer aux adhérents de la<br />

Maison Bleue ce qu’était ma mission à<br />

l’extérieur, car souvent on est missionné dans<br />

les commissions. Je suis à la Conférence<br />

régionale de santé et de l’autonomie. Qu’estce<br />

que c’était que moi représentante de la<br />

Maison bleue à l’extérieur ? J’ai ramené ça<br />

à l’intérieur et j’ai dit : « Voilà ce qui se passe<br />

quand moi je parle de nous à l’extérieur, je<br />

suis votre porte-parole, mais qu’est-ce<br />

que je vais dire si vous ne me parlez pas<br />

vous ? Qu’est-ce que je vais porter comme<br />

parole ? Uniquement la mienne et ça ne va<br />

pas fonctionner, donc on va préparer toutes<br />

ces rencontres et vous allez me dire tout ce<br />

que vous avez à me dire et vous allez devenir<br />

source d’information. Vous allez me poser<br />

les questions et moi je vais les transmettre là<br />

où elles seront entendues. Car, évidemment,<br />

dans ces commissions on arrive à un ou deux<br />

mais pas à cinquante ».<br />

A la Maison bleue, j’ai réussi à réunir<br />

un grand groupe et après on a organisé<br />

des rencontres avec des groupes de 25<br />

personnes. A ce moment-là, j’ai laissé à<br />

disposition à la Maison un paperboard où on<br />

pouvait à tout moment poser les questions.<br />

Qu’est-ce que c’est que notre légitimité<br />

d’être représentant d’usagers ? Qu’estce<br />

que la stigmatisation ? Qu’est-ce que la<br />

citoyenneté, l’empowerment ? Ces questions<br />

étaient posées sur ce papier au hasard de la<br />

personne qui avait envie de se poser cette<br />

question. Lors de nos rencontres, environ<br />

tous les quinze jours, trois semaines, on<br />

prenait le papier. Je faisais cinq tables de cinq<br />

personnes, on prenait la première question<br />

et on la posait à chaque table, on laissait dix<br />

minutes de réflexion et après le porte-parole<br />

de chaque groupe donnait sa réponse. Au<br />

total, une bonne demi-heure est prise pour<br />

répondre à chaque question, donc trois<br />

questions sur 1 h 30 de concentration, ce<br />

qui est déjà pas mal. C’était animé, quand on<br />

change de question on change de table et de<br />

partenaires, on n’a pas des habitudes avec<br />

le même petit groupe. On brassait nos idées<br />

et nos réponses. Quand je me trouve dans<br />

les conseils locaux de santé mentale, je porte<br />

ces réponses et pas que ma réponse. C’est<br />

comme ça que j’ai voulu impliquer les usagers<br />

de la psychiatrie à l’extérieur dans tous les<br />

lieux où on veut bien maintenant nous inviter.<br />

C’est important maintenant, je ne sais pas si<br />

vous arrivez à comprendre ce que je théorise<br />

ici, mais ce qui est en fin de compte quelque<br />

chose de très actif et participatif, cette<br />

fameuse parole collective dont parlait Aude ce<br />

matin. Comment la faire circuler cette parole ?<br />

Je suis une espèce d’interface entre la Maison<br />

bleue où on se retrouve, où on se parle et<br />

l’extérieur où là, de nouveau, grâce à tout ce<br />

que j’amène, on peut discuter sur toutes ces<br />

choses-là. Évidemment, il a beaucoup été<br />

question d’autonomie et d’empowerment.<br />

On s’est aperçu qu’avec cette méthode, les<br />

premiers questionnements portaient sur notre<br />

légitimité. En quoi j’ai le droit de parler ? En<br />

quoi j’ai le droit de m’exprimer ? Pourquoi<br />

je serais moi écoutée alors que ma parole a<br />

été tellement muselée pendant des années ?<br />

Cela a éveillé les personnes elles-mêmes à<br />

leur possibilité d’agir, cela l’a attisée. On n’est<br />

jamais rentré dans la partie clinique, on est<br />

toujours resté sur l’environnement social, le<br />

quotidien, tous ces sujets qui font qu’on vit<br />

notre maladie dans la société. Tous les sujets<br />

abordés étaient plutôt comment vivre dans la<br />

cité, comment créer de l’accompagnement<br />

dans la ville ? Depuis, deux équipes mobiles<br />

ont été mises en place, une sur Argelès et<br />

une sur Perpignan. C’était un souhait qu’on<br />

avait depuis des dizaines d’années, ce suivi<br />

ambulatoire et cet accompagnement dans la<br />

cité.<br />

On s’est aperçu que le rendez-vous pris<br />

un mois à l’avance, pour être vu cinq minutes<br />

par son psychiatre et simplement changer<br />

l’ordonnance dans un CMP, ne suffisait plus.<br />

On a été le porteur de plus de demandes,<br />

de besoins, d’accompagnements, plus<br />

d’attention en dehors de l’hôpital. Ce<br />

travail a abouti réellement à deux équipes<br />

ambulatoires. Il y a eu un autre impact très<br />

positif, ça a créé du lien à la Maison bleue, ça<br />

nous a fait connaître les droits des usagers,<br />

on s’est posé des questions, on a cherché<br />

les réponses, on a cherché l’information. En<br />

fait, c’est une forme de formation qui est<br />

proposée aux adhérents de la Maison Bleue,<br />

mais elle est atypique car nous sommes autoformés.<br />

C’était plus par jeu, sans ambition de<br />

haut niveau. C’est simplement pour créer<br />

la curiosité et l’envie chez les personnes<br />

d’interagir et d’être présentes dans les<br />

décisions.<br />

Voilà comment s’inscrire de façon<br />

collective. Je voulais citer la phrase de Paul<br />

Ricoeur que j’ai découvert en lisant le livre<br />

« Soi-même comme un autre ». J’ai eu la<br />

chance de participer au suivi du diplôme<br />

inter universitaire sur la santé mentale<br />

communautaire et ça m’a également enrichi<br />

car j’ai dû moi-même me documenter et j’ai<br />

découvert cette phrase : « La souffrance<br />

n’est pas uniquement définie par la douleur<br />

physique, ni même mentale, mais par la<br />

diminution voire la destruction de la capacité<br />

d’agir et du pouvoir faire ressenti comme une<br />

atteinte à l’intégrité de soi ». C’est ce que<br />

nous essayons de combattre à la Maison<br />

bleue.<br />

Anneke Bolle : Merci Dominique. On ne<br />

s’est pas rencontrées aux Pays-Bas, mais on<br />

s’est rencontrées plusieurs fois ici en France<br />

et c’est avec plaisir que j’ai écouté votre récit<br />

d’usager combattant. C’est encourageant<br />

pour continuer. Il y a beaucoup d’animation,<br />

ça promet pour les discussions qui vont suivre<br />

et ce qui viendra après ce congrès, car on a<br />

bien envie de continuer nos débats et sans<br />

doute qu’il y aura d’autres congrès qui vont<br />

suivre. Maintenant, je donne la parole à Ken.<br />

192 AUTONOMISATION / EMPOWERMENT : AGIR AUTREMENT - 4 ème rencontre internationale du CCOMS (Lille, France)<br />

AUTONOMISATION / EMPOWERMENT : AGIR AUTREMENT - 4 ème rencontre internationale du CCOMS (Lille, France)<br />

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